à Paris (Photo : Bertrand Guay) |
[27/11/2011 08:37:25] PARIS (AFP) L’assurance-vie a connu en septembre et octobre deux mois difficiles, marqués par des retraits supérieurs aux versements, qui confirment la mauvaise passe inédite de ce placement chahuté par les marchés financiers et les départs en retraite de baby-boomers.
En octobre, les retraits sur les contrats d’assurance-vie ont été supérieurs de 1,4 milliard d’euros aux versements, après un premier solde négatif de 1,8 milliard le mois précédent, selon des chiffres communiqués dimanche à l’AFP par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA).
C’est la première fois que cela se produit deux mois d’affilée depuis que la fédération publie des chiffres mensuels (juillet 2001).
“N’oublions pas que ce sont des données ponctuelles. Si l’on regarde depuis le début de l’année la vision est toute autre”, tempère Bernard Spitz, président de la FFSA, soulignant que les versements dépassent de 17,7 milliards d’euros les retraits sur les dix premiers mois de 2011.
“Nous sommes dans l’épaisseur du trait”, abonde Meyer Azogui, président du directoire de la société indépendante de conseil en gestion de patrimoine Cyrus Conseil, qui rapporte ces mauvais chiffres mensuels au montant total placé en assurance-vie, qui atteignait 1.375 milliards fin octobre. “Nous ne sommes pas du tout dans des retraits massifs ou généralisés”, qui auraient pu signaler une vraie défiance vis-à-vis du produit, relève-t-il. Sur octobre, les retraits affichent d’ailleurs une hausse moins marquée (+9%) que celle observée depuis le début de l’année (+21%).
Pour autant, ces chiffres témoignent d’une conjonction jamais connue auparavant de facteurs structurels et conjoncturels défavorables.
Côté structurel, le vieillissement de la population française et le départ progressif à la retraite de la génération “baby-boom”, qui compense la baisse de ses revenus en puisant dans son assurance-vie. “C’est une tendance lourde qui va nous accompagner au fil du temps (…) On doit s’habituer à un niveau structurellement élevé de retraits”, reconnaît M. Spitz.
A cela s’ajoute une série d’éléments conjoncturels, le plus récent étant l’aggravation de la crise de la dette souveraine en Europe.
“On nous demande de plus en plus ce qu’il y a dans notre fonds en euros ou ce qu’il se passerait si nous faisions faillite”, explique Paul Younès, directeur général adjoint de l’Union Financière de France (UFF), société de gestion de patrimoine, qui affiche pourtant une collecte nette positive. L’heure n’est pas à la panique mais il y a “une très grande incertitude sur l’avenir, donc il est plus facile d’aller vers des placements à court qu’à long terme”, ajoute M. Azogui.
D’autant que les rendements des contrats en euros (à capital garanti) devraient à nouveau s’afficher en baisse en 2011, à des niveaux historiquement bas.
En outre, depuis plus d’un an, les banques, traditionnellement dominatrices sur le marché de l’assurance-vie, lui ont privilégié les comptes à terme et livrets d’épargne fiscalisés, bien mieux considérés dans le nouveau cadre réglementaire dit Bâle III, qui entrera en vigueur début 2013.
Au plan fiscal, les tours de vis budgétaires successifs n’ont pas modifié les caractéristiques du produit mais “on en parle sans arrêt”, observe M. Younès, créant un climat d’incertitude défavorable à l’assurance-vie.
Pour M. Azogui, “l’assurance-vie, comme tout produit, a un cycle de vie, et nous sommes dans la phase de stabilisation avant peut-être une décrue lente”. Au-delà de la simple logique patrimoniale, M. Spitz rappelle que “la capacité de la France à générer de la croissance dépend de sa capacité à générer des investissements longs, rôle joué par l’assurance-vie”, qu’il importe donc de préserver.