«Tant qu’on n’associera pas les représentants des populations aux décisions de recrutement prises par la Compagnie des phosphates de Gafsa, rien ne pourra avancer dans le bon sens dans notre région», a affirmé Adnene Hajji, l’un des leaders syndicaux et politiques de la délégation de Redeyef (gouvernorat de Gafsa).
Pour M. Hajji, la colère des population est tout à fait justifiée car il y a toujours ce blocage communicationnel entre la CPG et derrière elle les pouvoirs publics et les populations de la région. «Vous rendez-vous compte que même Karim Mejri, conseiller auprès du ministre de l’Emploi, n’a pas su expliquer les véritables raisons de la colère de nos concitoyens! Car le concours sur dossier devait permettre le recrutement d’agents d’exécution et d’ouvriers. 4.000 personnes titulaires au mieux de diplômés de formation professionnelle et au pire sans aucun diplôme».
Ces quiproquos font désormais partie de la vie des populations du bassin minier dans leurs rapports avec le plus grand employeur de la région. «Il ne s’agit pas autant de revendications excessives et démesurées que de la capacité des autorités à opérer dans la transparence et la clarté. Les critères de recrutement dépendent des revenus des familles et de leur degré de pauvreté. Nous avons tout d’abord été floués parce que nous devions, en tant que représentants des populations de la région, participer au comité de tri, or ce qui s’est passé c’est que des délégués de la CPG se sont déplacés à Tunis en nous ignorant totalement. Ils ont procédé à l’opération sans nous en avertir et n’ont pas respecté l’ordre de priorité. C’est ce qui a engendré toute cette colère. En réalité, nous ne sommes pas aussi butés qu’on veut bien le montrer, nous sommes des personnes responsables et nous aurions préféré qu’on nous considère comme tels avant que cela ne dégénère en émeutes et ne devienne incontrôlable».
15.000 dossiers ont été déposés par des familles gafsoises pour qu’au moins un chômeur par famille soit embauché par la CPG ou la préservation de l’environnement, au plus 4.000 emplois. L’annonce des premiers résultats avait soulevé un tollé à Oum Larayes, Mdhilla et Redyef, la seule épargnée par les actes de violences. «Nous avons fait de notre mieux pour que les critères de recrutement soient les plus crédibles et les plus objectifs possibles, explique Karim Mejri. Les dossiers informatisés ont inclus des critères après vérification des informations auprès de la CNSS et de la CNRPS pour voir si le candidat travaillait encore ou avait un matricule avec un statut de chômeur, tout comme on a procédé à la vérification auprès des banques telles la BTS et la BFPME. «Ceux qui avaient bénéficié des prêts de plus de 10.000 dinars ont été automatiquement écartés».
Une rigueur peu convaincante
Cette rigueur dans le traitement des dossiers n’a pas été convaincante pour les populations de Gafsa et alentours qui dénoncent une manipulation de la part de l’Administration publique. «Il est fort possible qu’il y ait eu des erreurs d’appréciation ou d’interprétation de la part des agents du ministère lors de l’introduction des données dans le système informatique, mais nous estimons que nous pouvons remédier aux erreurs et nous avons déjà appelé les personnes lésées à déposer leurs réclamations. A ce jour, nous en avons reçu une centaine. Le système n’est pas parfait et l’administration n’est plus aussi rigide qu’auparavant; il y a des lacunes qui peuvent être rattrapées. La preuve? Le ministère de l’Education a recruté 188 instituteurs qui répondaient aux critères et n’ont pas été sélectionnés au premier tour en plus des 2.000 qui ont réussi le concours».
Plus que les critères objectifs pour le recrutement à la CPG ou ailleurs, c’est un dialogue qui doit au plus tôt être établi entre les populations et les autorités et qui doit être basé sur la confiance et la transparence. «Tant que nous ne serons pas associés aux décisions concernant les enfants de la région, il me paraît difficile de clore définitivement le dossier de la CPG et ses emplois», clame Adnene Hajji.
Pour les diplômés du supérieur, la CPG compte lancer un concours en bonne et due forme et non sur dossier, on jugera par conséquent les compétences et non le contexte social.
Les jeunes des zones défavorisées et spécialement les diplômés du supérieur ne prennent plus pour argent comptant tout ce qu’on leur annonce ou tout ce qu’on décrète dans les sphères du pouvoir.
Ils font leurs propres investigations et s’assurent du bien-fondé de toutes informations, mais plus que tout, ces jeunes attendent qu’on honore les promesses qu’on ne cesse de leur faire sans rien exaucer.
Les partis vainqueurs, au lieu de s’occuper des priorités se rapportant à l’emploi et à la précarité, sont obsédés par le partage du gâteau pouvoir. Il ne serait pas étonnant, dans ce cas, que la Tunisie prépare cette fois-ci la (vraie) révolution.