Paris et Berlin jouent des coudes pour influer sur la politique de la BCE

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äuble, et son homologue français François Baroin le 7 novembre 2011 à Bruxelles (Photo : Georges Gobet)

[29/11/2011 22:06:02] BRUXELLES (AFP) L’Allemagne et la France se disputent à fleurets mouchetés le poste stratégique de chef économiste de la Banque centrale européenne, sur fond de divergences profondes entre Berlin et Paris sur le rôle que doit jouer l’institut monétaire face à la crise de la dette.

La démission en septembre du précédent titulaire du poste, l’allemand Jürgen Stark, en désaccord avec la ligne suivie par l’institution, à ses yeux pas assez orthodoxe, avait conduit Berlin à proposer immédiatement la candidature de Jörg Asmussen, actuel secrétaire d’Etat aux Finances et personnage clé du gouvernement allemand dans la lutte contre la crise.

M. Asmussen a été adoubé en octobre par les responsables européens pour prendre numériquement la place de M. Stark, un accord tacite garantissant en effet aux grands pays de la zone euro l’un des six sièges permanent du directoire de la BCE. Et sa désignation ultérieure au poste de chef économiste semblait entendue.

Mais il s’avère que la France souhaiterait aussi voir confier ce poste à l’un des siens, Benoît Coeuré, actuel numéro deux du Trésor français. Il doit être nommé officiellement mardi soir au directoire de la BCE au cours d’une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Bruxelles.

“Benoît Coeuré a clairement les compétences et le profil pour le poste de chef économiste”, a indiqué à l’AFP une source diplomatique.

M. Asmussen “est le meilleur pour la fonction”, a affirmé de son côté aux journalistes le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, en arrivant à la réunion.

Paris n’a pas pris position officiellement, jusqu’à ce qu’un communiqué commun en forme de trêve, signé conjointement par M. Schäuble et son homologue français François Baroin, ne vienne confirmer en creux mardi l’existence d’une bataille en coulisses entre les deux capitales sur le sujet.

Les deux ministres y affirment “avec insistance” qu’ils respectent “l’indépendance de la BCE en particulier pour l’attribution des postes au directoire de la BCE”, sans mentionner ouvertement le poste de chef économiste.

“Nous faisons confiance à Mario Draghi (le président de la BCE) et au directoire pour prendre les meilleures décisions pour la BCE, en accord complet avec son mandat”, assurent-ils.

C’est en effet au directoire, et principalement à M. Draghi, qu’il reviendra de décider de la répartition des champs de compétences entre les deux nouveaux venus dans cette instance.

Cette bataille franco-allemande porte sur un poste très convoité et influent au sein de la BCE: le chef économiste soumet chaque mois au conseil des gouverneurs une proposition sur l’évolution des taux directeurs (la décision est au final collégiale). C’est également lui qui valide les prévisions économiques très suivies de la BCE.

Ce poste est d’autant plus stratégique que la France et l’Allemagne s’affrontent depuis des mois sur le rôle que doit jouer l’institut monétaire dans la crise de la dette.

La France fait partie des pays qui militent pour une intervention massive, au risque selon Berlin et la BCE de favoriser l’inflation en émettant de la monnaie pour racheter sans limites de la dette des Etats les plus fragiles. L’Allemagne est sur une ligne inverse.

“C’est un vieux rêve des Français d’avoir le poste de chef économiste”, a confié mardi une seconde source diplomatique pour qui, après le départ de Jean-Claude Trichet, “ils pensent pouvoir par ce biais aider à modifier la culture interne de la BCE, pour insuffler une culture plus pragmatique, plus +soft+ sur la politique monétaire”.

Mais, “côté allemand ce serait considéré comme une gifle de ne pas avoir le poste”, dit-elle. Du coup, pour une autre diplomate, il y a de fortes chances que Mario Draghi “pousse en faveur d’Asmussen afin d’apaiser les Allemands”.