ée dans un bureau à Caen (Photo : Mychele Daniau) |
[02/12/2011 10:43:52] PARIS (AFP) Beaucoup d’entreprises procèdent en fin d’année aux entretiens individuels d’évaluation – la moitié des salariés sont concernés – mais la justice, soucieuse de préserver la sphère privée, a fixé des limites à l’appréciation des comportements d’une personne.
Pour avoir voulu mesurer “le courage” de ses salariés, le constructeur Airbus s’est ainsi vu infliger un revers par des juges toulousains qui, en septembre, ont suspendu le système d’évaluation de ses 5.000 cadres français.
Dans ses critères d’évaluation, le constructeur aéronautique avait aussi inclus: “faire face à la réalité et être transparent”.
Ces critères censés mesurer l’adhésion aux valeurs de l’entreprise Airbus ont été jugés non conformes aux exigences légales, qui circonscrivent les appréciations à “des aptitudes professionnelles”.
Airbus a fait savoir qu’il allait revoir avec les partenaires sociaux sa grille d’évaluation, sans pour autant renoncer à juger le comportement de ses cadres, une démarche visant à fixer la part variable de leur rémunération.
Dans un récent rapport, le Centre d’analyse stratégique (CAS, rattaché au Premier ministre) rappelle que l’évaluation doit reposer sur “des critères objectifs, vérifiables et transparents”.
Ces critères doivent être connus des salariés et le comité d’entreprise consulté sur l’instauration de ce type d’évaluation.
Selon Me Emmanuelle Rivez-Domont, qui a défendu plusieurs employeurs, la décision concernant Airbus n’est pas un tournant dans la jurisprudence.
“Cette décision ne met pas un terme à l’utilisation de critères comportementaux mais rappelle qu’ils doivent avoir un lien avec l’exercice de la fonction”, note l’avocate en soulignant que “l’idée est de limiter la part de subjectivité”.
“Avec la notion de courage, on penche vers l’appréciation de valeurs morales, on va vers la vie privée et on sort de la sphère professionnelle”, ajoute-t-elle.
Lorsque le lien avec le travail effectué n’est pas assez clair, le CAS note “des contentieux croissants”.
Fin novembre, les syndicats de l’éditeur de logiciels Viveo ont exigé devant la justice la suspension d’un nouveau système d’évaluation comprenant “la capacité à avoir une vision positive de la société en interne et en externe” ou “l’ouverture d’esprit”. La décision est attendue le 17 janvier.
Ces dernières années, d’autres contentieux (IBM, Hewlett-Packard, etc.) ont souvent porté sur des évaluations couplées à un système de quotas, attaqué pour son manque d’objectivité.
Ce système, plutôt en vigueur dans des entreprises américaines, impose aux managers de classer un certain pourcentage de salariés dans des catégories données (très bons, moyens, mauvais).
La justice a établi que le classement dans des catégories est licite, mais pas les quotas.
Malgré le risque de contentieux, l’étude du CAS affirme que l’entretien individuel bien utilisé permet d’améliorer la satisfaction des salariés (vis-à-vis de leur rémunération et de la juste reconnaissance de leur travail).
Outre la rémunération, l’entretien individuel annuel sert à aborder les besoins de formation et les souhaits d’évolution de carrière.
La moitié des salariés du privé (54%) sont évalués de cette manière, un taux qui atteint 76% chez les cadres et 67% dans les professions intermédiaires.
Malgré “des abus possibles, une évaluation est un moment privilégié pour évoquer le travail d’un salarié dans une approche constructive”, estime Me Rivez-Domont.
En revanche, “ce n’est pas parce qu’on aura évité les critères comportementaux que l’évaluation va bien se passer, c’est une chaîne de responsabilités, qui requiert notamment d’être bien formés”.