Le patron français de la Bourse de Londres cultive son jardin dans le Vaucluse

photo_1322821674224-1-1.jpg
çais de la Bourse de Londres, Xavier Rolet et son épouse, le 25 novembre 2011 à Crestet. (Photo : Anne-Christine Poujoulat)

[02/12/2011 10:40:46] CRESTET (Vaucluse) (AFP) Au printemps, lors d’un dîner de gala à Cambridge, la reine Elizabeth aurait dû boire du vin blanc sur son homard. On lui a finalement servi du rosé. Produit à Crestet (Vaucluse), dans le jardin secret du patron français de la Bourse de Londres, Xavier Rolet.

Le domaine du Chêne Bleu doit son nom à un arbre mort recouvert de bouillie bordelaise, qui s’élève au milieu d’une propriété de 135 ha, dont 30 de vignes, acquise en 1994 par M. Rolet.

A l’époque, c’était une ruine, aperçue sur une photo jaunie dans une agence immobilière. “Personne n’en voulait. Il a fallu six mois pour retrouver la trace du propriétaire”, raconte à l’AFP cet ancien dirigeant de Lehman Brothers en France, nommé à la tête du London Stock Exchange (LSE) en mai 2009.

M. Rolet achète “sur un coup de coeur” ce prieuré du IXe siècle, envahi par les figuiers et les crottes de brebis, et se lance dans un chantier pharaonique. A un tournant de sa vie, il prend une année sabbatique pour suivre des cours à l’université du vin de Suze-la-Rousse (Drôme).

“Au départ, je voulais acheter un ranch dans le Wyoming. J’ai grandi à Sarcelles, ça explique mon goût pour la nature”, glisse ce fils de militaire, âgé de 52 ans, qui a débuté à New York chez Goldman Sachs, chaperonné par Robert Rubin, futur secrétaire au Trésor, après un MBA financé par une bourse.

Le domaine, niché entre le Mont Ventoux, les Dentelles de Montmirail et la vallée de l’Ouvèze, a aujourd’hui des allures de paradis provençal. On pense au film de Ridley Scott, “A Good Year”, où un banquier redécouvre le sens de la vie dans les vignes du Luberon. Une bluette pas du meilleur cru.

Mais à écouter M. Rolet et son épouse américaine Nicole, venue elle aussi de la banque, relater l’aventure familiale du Chêne Bleu, détailler la complexité du terroir local ou vanter les vertus de la biodynamie, on s’éloigne des clichés.

photo_1322822373655-1-1.jpg
çais de la Bourse de Londres, Xavier Rolet, son épouse, sa soeur et son beau-frère le 25 novembre 2011 à Crestet. (Photo : Anne-Christine Poujoulat)

A n’en pas douter, il a fallu beaucoup d’argent pour mener à bien le projet, qui profitera “aux petits-enfants”, espère M. Rolet. Du temps, aussi. Revenu à la finance, il a confié le domaine à sa soeur et son beau-frère, Bénédicte et Jean-Louis Gallucci, une professionnelle du tourisme et un comptable convertis à la viticulture.

Pendant dix ans, la récolte a été vendue à la coopérative de Vaison-la-Romaine jusqu’à ce que des spécialistes, convaincus de la qualité du vin, leur conseillent de construire leur propre cave. Le premier millésime (2006) en est sorti en 2009, avec deux rouges, Abélard et Héloïse, issus de parcelles de syrah et de grenache, vieilles de plusieurs décennies et dont les rendements ne dépassent pas 20 à 30 hectolitres à l’hectare. Deux blancs ont suivi, un assemblage roussanne-grenache-marsanne et un 100% viognier, puis un rosé conçu pour accompagner les fruits de mer.

Le domaine produit 50.000 bouteilles par an, vendues à 90% à l’étranger et cher: 60 euros pour un rouge. “On vieillit le vin pour nos consommateurs, avec 3-4 ans d’immobilisation”, explique M. Gallucci, le maître de chai.

Mme Rolet, en charge du marketing et du développement, reconnaît que “ce n’est pas facile de vendre un vin de pays au prix d’un châteauneuf-du-pape”. Foin des AOC, l’ambition est de créer une marque, sur le modèle des Super-Toscans. Le dernier né, Astralabe, fils d’Abélard et Héloïse, vise à séduire notamment le marché français. Et les premières récompenses sont arrivées dans les concours et les bonnes notes du guide Bettane ou du “Wine Spectator”.

L’étiquette des bouteilles joue sur les tiraillements du couple entre la finance et la vigne. Elle montre Nicole en robe médiévale, un portable à l’oreille, et Xavier en tenue d’apiculteur, autre passion. Depuis qu’il dirige le LSE, ses séjours au Chêne Bleu se font rares. On devine un brin de nostalgie quand un coup de téléphone le ramène à la City, son “autre challenge”.