Les amoureux français de la Grèce, en quête de clés sur la crise

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Europe (Photo : Louisa Gouliamaki)

[03/12/2011 16:46:28] PARIS (AFP) “La Grèce, plus on la comprend, plus on l’aime”: à l’instar de Jean-Claude Françoise, les philhellènes français sont avides de comprendre les raisons profondes de la crise qui affecte leur seconde patrie, au-delà des stéréotypes qui la stigmatisent ou l’idéalisent.

Nikos Graikos ne s’attendait pas à un tel succès: les réservations à son cours sur “La Grèce depuis la chute de la dictature en 1974” sont si nombreuses qu’il a dû programmer une deuxième session en janvier.

En cette soirée de fin novembre, la salle est manifestement trop petite pour accueillir les adhérents à Phonie-Graphie, l’association culturelle grecque dont ce pilier de la diaspora hellénique à Paris, âgé de 51 ans, est l’un des principaux animateurs.

Depuis la rentrée, les nouvelles adhésions sont légion. Aux professeurs de grec ancien à la retraite, “clientèle” traditionnelle de l’association, sont venus s’ajouter des amoureux de la Grèce, qui y passent leurs étés, voire y possèdent une maison.

Comme le relève Nikos Graikos, avec un brin de malice, ils veulent “comprendre la situation… et s’ils vont devoir s’acquitter de la nouvelle taxe immobilière”.

Pour le plus grand bonheur de la salle, qui rit à ses blagues et jeux de mots, il préfère tordre le cou aux idées reçues sur son pays natal, qu’il a quitté en 1984. Depuis le début de la crise de la dette, le “berceau de la démocratie” fait régulièrement l’ouverture des JT, pas toujours pour le mieux.

Tantôt, c’est une journaliste de la télé qui affirme, péremptoire, que “personne ne paie le métro à Athènes”. Tantôt, c’est une autre, qui l’interroge à la radio et ne comprend pas comment Nikos Graikos peut être à la fois “pour l’Europe” et “contre la politique d’austérité”.

La fraude fiscale, explique-t-il, est liée à la défiance des Grecs vis-à-vis de l’Etat, qui a toujours été vu comme un “Etat gendarme”. Et en rien, défend-il, à une prétendue “mentalité” des Grecs qui seraient des tricheurs nés.

Un pied en Occident, l’autre en Orient

“Il faut regarder l’histoire. Comment voulez-vous que les Grecs aient un comportement civique alors que l’Etat ne les a jamais respectés?”

Et de rappeler que pendant des années, “avoir quelqu’un de gauche dans sa famille, même un cousin éloigné” faisait de vous un suspect.

Mais l’enseignant condamne également “l’ancestrite”, cette tendance des Grecs à s’enorgueillir de leur passé, au risque de ne pas voir la réalité présente, et d’esquiver leurs responsabilités. “Moi, j’ai pleuré quand les jeux Olympiques ont été attribués à la Grèce. Et voilà la Grèce antique qui arrive…”

Comme le colosse de Rhodes, la Grèce a toujours eu un pied en Occident et un autre en Orient, souffrant d’un complexe d’infériorité vis-à-vis du premier et de supériorité vis-à-vis du second, explique Nikos Graikos.

A cet égard, l’entrée de la Grèce dans la Communauté économique européenne (CEE) en 1981 sonne comme une “revanche” pour ce “petit pays balkanique périphérique”. Elle conforte aussi l’ancrage du pays dans la démocratie.

Après la chute du Mur de Berlin, la Grèce, pays d’émigrés, devient attractive: une sorte d'”Allemagne des Balkans”.

Dix ans plus tard, l’adhésion à la zone euro devient un nouveau motif de fierté, jusqu’à la crise de la dette.

La résistance du pays aux mesures imposées par ses créanciers? “On a toujours appris, à l’école, que nous devions défendre la Grèce”, témoigne Nikos Graikos.

D’ailleurs, les deux fêtes nationales, le 25 mars (début de la guerre d’indépendance de 1821) et le 28 octobre (le “non” à l’invasion des troupes italiennes en 1940), commémorent le début et non la fin de deux conflits.

Autour d’un verre de retsiné, Michel Plassard approuve la démarche de son professeur: “La seule réponse aux stéréotypes, c’est l’approche historique.”