«Quand le peuple veut la vie, le destin doit se plier», ce poème d’Abou al Kacem Al Chabbi, symbole de la Tunisie révoltée et qui n’a cessé d’inspirer des générations et générations de jeunes et moins jeunes n’a jamais perdu de sa puissance ni de son pouvoir à enflammer les foules et à les convaincre de la justesse de leur cause.
L’hymne national tunisien a été pour la énième chanté en cette matinée du 1er décembre devant le palais du Bardo. Des milliers de Tunisiens, tous âges confondus se sont rassemblées pour exprimer leur indignation suite aux incidents perpétrés dans les enceintes des universités et qui ont vu leur apogée dans l’attaque dont fut victime le doyen de la Faculté des Lettres de la Manouba. Une attaque dénoncée par l’ensemble du corps universitaire rentré aujourd’hui en grève à l’échelle nationale et soutenu par des étudiants, des organisations de la société civile et de simples citoyens.
«Ce qui est arrivé dans différentes universités sans aucune condamnation directe et presque dans l’ignorance des pouvoirs politiques est un sacrilège. Nos institutions universitaires n’ont jamais été autant maltraitées et nous ne cèderons jamais à l’intimidation des extrémistes ou à ceux qui menacent nos libertés individuelles et académiques», a dénoncé F.S, maitre assistant.
«Al jamia lil’ilm, Al Jami’i lilibada» (L’université pour le savoir, la mosquée pour la prière), «Al osthadh la youhan, y a moutatarrrif y a jaban» (On n’humilie pas un enseignant, espèce de lâche extrémiste), «Jamia Chaabia, taalim dimoucrati, karama watania» (Université populaire, enseignement démocratique et dignité nationale) «Choghl, horria, karama watania» (Emploi, liberté, dignité nationale), «Wihda, wihda watania, dhidd Al hajma Al salafia» (L’unité nationale contre l’extrémisme religieux), «Achaab yourid Al thaoura min jadid» (le peuple veut, de nouveau une révolution), «Attaassissi masrahia wil issaba hia hia (La constituante, c’est du théâtre et le gang reste le même) «Attachghil istihkak y a issabat Al sourrak» (Le travail est un droit, bande de voleur), «Ya lalAr, ya la AlAr, bismi Al Thauora Al Istiimar» (Quelle honte, l’occupation au nom de la révolution).
Ils étaient des milliers, à scander ces slogans et d’autres, manifestants dont les âges varient entre 14 et 70 ans et qui se déclarent scandalisés par la tournure que prend les choses dans les universités dédiées au savoir et devenues aujourd’hui un champ de bataille pour des courants idéologiques extrémistes. Les universités écartées par le régime Ben Ali de la joute politique et presque marginalisées se trouvent aujourd’hui au cœur des contradictions sociopolitiques de la Tunisie postrévolutionnaire».
Prises d’assauts par des courants extrémistes qui veulent y faire régner l’ordre «divin» en imposant le niqab importée du royaume wahabite et en voulant séparer les filles des garçons dans les salles de cour, les universités réagissent toutes disciplines et catégories confondues. «L’espace universitaire est sacré et dédié à la connaissance et au savoir. Nous devons d’un autre coté, pouvoir identifier nos étudiantes», estiment les universitaires.
Des tentes ont été levées tout près de la clôture du Palais du parlement par des diplômés chômeurs arrivés des régions, du bassin minier de Gafsa, d’El Mdhilla, de Oum Larayes et du Redeyef. «Ne nous oubliez pas, n’oubliez pas nos luttes et nos martyrs ni ce pourquoi nous nous sommes soulevés et osé. Nous voulions la dignité par le travail et à ce jour, aucune de nos revendications n’a été satisfaite. Nous continuerons la lutte», assurent ces jeunes qui ne comptent pas partir de sitôt qui estiment pour leurs qu’ils ont été relégués au deuxième et même au troisième rang des préoccupations des politiques.