L’artisanat est présenté dans le “livre blanc“ de Mehdi Houas, ministre du Commerce et du Tourisme, comme une activité sinistrée qui aurait besoin d’un grand lifting pour sa relance sur des bases saines et pérennes. Globalement, la feuille de route du ministre propose cinq pistes pour revigorer un secteur qui emploie plus de 350 mille personnes et contribue à hauteur de 4% au PIB (mieux que les banques 3% du PIB).
La première consiste à choisir les filières à relancer et celles à abandonner. L’objectif est de redevenir, selon le ministre, «connus et reconnus». Les filières à développer ont pour noms: la tapisserie, la confection de vêtements sur mesure, les tissages, la passementerie, la céramique-poterie, le ciselage, la pâtisserie, la bijouterie.
Autres branches proposées pour faire l’objet d’une stratégie de valorisation et de relance: la verrerie, le travail du cuir, et le travail de bois locaux à fort potentiel décoratif comme ceux de l’olivier et du palmier.
La deuxième piste consiste à développer un artisanat de prestige, voire de luxe et à charger l’Etat d’acheter ses produits. En plus clair, les hauts fonctionnaires de l’Etat (président, ministres, hauts cadres…) se doivent de porter “des couronnes et des insignes de noblesse virtuelles“ «pour se substituer, à l’absence de princes, de leurs cours et de leurs aristocrates et grands bourgeois qui étaient depuis des siècles les premiers commanditaires des maîtres-artisans et sustenteurs de cet écosystème».
A ce propos, le ministre a évoqué le cas du souverain marocain Mohamed VI qui a relancé le secteur par ses propres commandes et construit le Royal Mansour pour offrir aux meilleurs artisans un espace d’expression, d’exposition et d’investissement, l’ultime but étant de relancer leur art et leurs filières.
Pour le cas de la Tunisie, le ministre recommande le recours aux services de designers étrangers, «bien étrangers» pour re- décorer deux ou trois bâtiments de prestige, les salles d’attente et de réception des grands commis de l’Etat. Toujours selon le ministre, il faut offrir à ces designers/artisans «off shore» l’organisation décorative et esthétique de cérémonies officielles médiatisées pour lancer des modes, inciter financièrement les coûts de décorations d’habillement de production télévisées…
La troisième piste est fort intéressante. Elle attire l’attention sur l’exploitation abusive des artisans et artisanes par des intermédiaires sans foi ni loi et sur l’enjeu de les protéger. Sa proposition est de construire, ce qu’il appelle, «une industrie de commerce équitable». Il estime qu’il existe encore en Tunisie de talentueux artisans «cachés» qui connaissent, toutefois, d’énormes difficultés pour écouler leur produit et pour être rémunéré au juste prix au double plan local et international. Le ministre perçoit dans le e-commerce (vente de leurs produits sur le net) une bonne solution pour leur rendre justice.
La quatrième piste se situe en amont. Elle suggère la restructuration des écoles de formation. L’objectif est d’améliorer leur niveau et leur professionnalisme. Comme exemple de non-professionnalisme, le ministre cite le cas d’une école de bijouterie à Gammarth dont les enseignants n’ont jamais été bijoutiers et n’ont jamais géré une collection de bijouterie.
La cinquième et dernière piste consiste à réaménager les médinas et d’en faire des cadres de rêve exotiques et attractifs. L’amélioration du produit va de pair avec celle de l’environnement dans lequel il est vendu. Le principe étant «à écrin dévalorisé, bijou dévalorisé».
Par delà la justesse ou les limites de cette “feuille de route pour l’artisanat“, est-il nécessaire de rappeler à Mehdi Houas, qui recommande à l’Etat de prendre en charge la relance d’un secteur, qu’il a lui-même déstructuré, par le biais de stratégies improvisées et incohérentes de l’Office national de l’artisanat (ONA)? Sans commentaire.