C’est de toute évidence une bonne nouvelle de fin d’année bien qu’elle soit encore une simple recommandation du ministre du Commerce et du Tourisme (sortant), Mehdi Houas.
Dans la feuille de route pour les secteurs du commerce, du tourisme et de l’artisanat qu’il vient de présenter au Premier ministre du gouvernement provisoire, BCE, le ministre du Commerce et du Tourisme suggère à son successeur d’autoriser l’implantation d’hypermarchés en dehors de la capitale, particulièrement dans les villes localisées à la frontière sud et nord-ouest du pays. Le ministre ne va pas par quatre chemins et propose la création d’hypermarchés et de supermarchés d’enseignes à Sfax, à Kairouan, au Kef, à Jendouba, à Ben Guerdane…
L’objectif déclaré est «d’améliorer l’accès et le service aux consommateurs mais aussi de stimuler la compétition dans l’approvisionnement des détaillants». L’objectif non dit est de lutter contre la contrebande et de réduire l’impact pervers d’un commerce informel prospère à la frontière.
Néanmoins, cette recommandation ne manque pas d’enjeux dans la mesure où elle remet en question le plan directeur de la grande distribution qui occulte, carrément, les régions de l’intérieur alors que des experts en développement multisectoriel sont unanimes pour percevoir, dans l’implantation d’hypermarchés en dehors de Tunis, une opportunité propre à stimuler l’activité économique dans les régions frontalières et à y engager une dynamique génératrice d’emplois propre à sédentariser les communautés de ces contrées.
D’ailleurs, Wahid Ibrahim, expert en tourisme, y a déjà pensé et va même plus loin. Il relève que l’implantation d’hypermarchés au nord-ouest (à titre indicatif) ne serait que le noyau d’une “zone franche touristique“ à créer dans cette région appelée à devenir une sorte d’Andorre maghrébine.
Dans son livre «Le tourisme tunisien, jeux de mots jeu de maux», il a esquissé les contours et objectifs attendus de cette zone et écrit: «les visiteurs européens et algériens y afflueraient pour bénéficier des avantages de la vie et du shopping hors taxes. Avec de telles mesures, la région deviendra un must à la mode, le tourisme y connaîtra une relance durable et l’aéroport international local (celui de Tabarka) pourra enfin ouvrir sa piste…».
Par ailleurs, cette recommandation d’ouverture d’hypermarchés dans les régions intérieures coïncide avec la manifestation d’un fort intérêt de distributeurs étrangers, notamment français, pour le site Tunisie.
Ainsi, des distributeurs modernes ou spécialisés comme Auchan, Darty, Mr. Bricolage, Fnac, qui avaient manifesté, avant le 14 janvier, l’intérêt pour s’implanter en Tunisie mais le lobbysme qui prévalait à l’époque ne les avait pas beaucoup aidés à le faire, peuvent trouver, logiquement, dans cette recommandation ministérielle, une opportunité pour revenir à la charge et envisager une implantation en bonne et due forme, particulièrement aux frontières sud et nord-ouest du pays.
Pour mémoire, avant cette feuille de route, le plan directeur, mis au point en 2008, pour réglementer l’implantation des hypermarchés, prévoyait la création, d’ici fin 2011, de quatre nouveaux hypermarchés: deux à Tunis, un à Sousse et un autre à Sfax. Dans une seconde phase, quatre autres hypermarchés seraient créés, sur la période du XIIème Plan (2012-2016). Aucune mention n’était faite sur l’implantation d’hypermarchés dans les régions intérieures.
La grande distribution (15% du commerce en Tunisie) est assurée, actuellement, par trois groupes basés pour la plupart à Tunis: Mabrouk (Monoprix, Casino (Géant)…), Chaïbi (Carrefour et Carrefour Market (ex-Champion)…) et le tandem Poulina-Bayahi (Chaîne Magasin Général…).