L’ANC –pour Assemblée nationale constituante- pourrait rester plus d’une année. Quelle déception! Ne s’étant pas conformée à un vœu populaire largement partagé, la Constituante se met-elle en rupture de légitimité? Une gifle pour l’opinion publique.
Surprise! L’ANC a voté la durée de son mandat. Elle ne mentionne pas l’échéance d’une année. La date est laissée open. Incertaine, c’est-à-dire indéterminée? Du coup, l’opinion s’interroge. Le décret présidentiel précisait bien que le 23 octobre on élisait une assemblée, à l’effet de rédiger une Constitution et que cela durerait une année.
Par ailleurs, onze partis se sont engagés par acte signé à respecter le même délai. Il y avait donc une sorte de “gentlemen’s agreement“ autour de la durée de vie de la Constituante, pensait l’opinion publique. L’opinion est sous le choc de cette «manœuvre».Le fait de ne plus se lier par une date convenue est-il un parjure constitutionnel?
Le provisoire qui pourrait durer
Le débat public s’évertue, en vain, à mettre les points sur les i. On a répété à satiété que l’Assemblée est là pour rédiger la Constitution, sa tâche essentielle. Et que malgré sa légitimité, elle n’a pas tout à fait mandat pour légiférer. Mais puisqu’on ne peut laisser les affaires de l’Etat en plan, il faut bien nommer un gouvernement pour aller «aux affaires». Ce sera un gouvernement désigné et non pas élu. C’est-à-dire qu’il a mandat pour gérer -qui ne vaut pas chèque en blanc-, pour toucher aux fondamentaux du modèle social national. Et qu’il est plus indiqué d’avoir un gouvernement de technocrates que de personnalités politiques, étant donné que les figures nouvelles sont toutes novices. Et que tout cela n’est que transitoire. Et, que par-dessus tout, le peuple, en donnant mandat, ne s’est pas défait de sa souveraineté. On constate cependant que l’on s’épuise dans un exercice sémantique stérile.
Malgré les salves répétées de messages rappelant toute la réalité limitée dans le temps et l’action de l’ANC, celle-ci, à sauts de puce, transgresse les volontés de l’opinion. Ces volontés sont exprimées pour le moment de manière civique, il faut le reconnaître, malgré le sit-in du Bardo. Petit à petit, on voit donc une ANC plus soucieuse de conquête du pouvoir que de réussite du processus démocratique. Comment comprendre autrement l’absence d’ouverture du futur gouvernement aux personnalités indépendantes.
Dans le subconscient populaire, une Assemblée provisoire qui s’aménage des conditions pour pouvoir durer nourrit le sentiment d’un putsch constitutionnel. Et, au vu de l’étendue inconsidérée des attributions qu’on veut octroyer au futur gouvernement, on se dit: n’est-on pas en train de travailler au verrouillage du système?
Il nous reste une chance
Notre rapport aux urnes et à la démocratie n’a jamais été un long fleuve tranquille. Il nous a, pour le moins, familiarisé aux sensations fortes et aux brusques retournements de situation. Une fois, les urnes nous ont fait la surprise de nous teindre nos bulletins de vote du vert au rouge. La déclaration scélérate du 7 Novembre nous a fait miroiter l’espoir d’un avènement de la démocratie. A la place, on a écopé de vingt ans de stalinisme. On pensait que l’ANC nous affranchirait définitivement. Or elle veut avoir un ascendant sur tout. J’espère qu’elle nous évitera un scénario d’aliénation démocratique.
L’ANC a voté aujourd’hui, mercredi 7 décembre 2011, un premier article. Elle n’a pas voté la totalité du texte. Dans les articles suivants, elle peut se rattraper. Limiter sa durée dans le temps serait un repêchage constitutionnel. Il ne fera que fortifier sa légitimité.
A bon entendeur!