«Le projet fonctionne dans un environnement radicalement nouveau, et nous devons nous repositionner» en fonction de ce changement, estime Philippe de Fontaine Vive Curtaz, vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI),lors de la troisième assemblée annuelle du Centre de Marseille pour l’Intégration en Méditerranée (C.M.I.), organisée le 29 novembre 2011 dans la ville phocéenne, et qui, probablement, était la plus importante. Car outre de se livrer à l’exercice habituel consistant à «mesurer ce que le CMI a bien fait et ce qu’il peut faire, y compris dans le domaine de l’avancement de l’intégration régionale», selon le mot d’Inger Andersen, vice-présidente de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, ce troisième rendez-vous devait servir à tirer, pour cet organisme qui fonctionne comme le «cerveau» de l’Euromed, les leçons du chambardement politico-stratégique que connaissent les pays de la rive Sud de la Méditerranée, déclenché par la révolution tunisienne.
Et l’une de ces leçons était que l’Europe se doit, peut-être, comme l’a laissé entendre Ahmed Benghazi, directeur général d’Axis Capital (et co-président, avec Philippe de Fontaine Vive Curtaz, du conseil stratégique du CMI) de faire son mea culpa.
Car, rappelle le directeur général d’Axis Capital, «la politique de coopération avec la Tunisie a certes contribué au développement du pays, mais s’est accommodée d’un mode de gestion politique catastrophique et autoritaire». Un constat que partage le vice-président de la Banque européenne d’investissement qui explique que «l’Europe a coopéré au nom de la stabilité» et a, d’une certaine façon, «fermé les yeux» sur ce qui se passait de l’autre côté de la Méditerranée.
Mats Karlsson, directeur du CMI, va plus loin et considère quant à lui que «le processus de Barcelone a permis l’instauration d’un capitalisme autoritaire et prédateur, appelle à réfléchir sur la question de la gouvernance. Ceci pour le passé.
Pour l’avenir, le CMI est interpellé, à l’instar des autres organisations, par le fait que, note Ahmed Benghazi, de nouvelles élites s’apprêtant à prendre les commandes –en Tunisie, mais également en Egypte et au Maroc- «la gestion des politiques de développement sera différente», car ces élites ont «des perceptions différentes des relations avec le Nord».
Que faire alors face à ce nouveau contexte? Pour la BEI, comme le recommande Philippe de Fontaine Vive Curtaz, «à évènements exceptionnels une action exceptionnelle, qui implique de réinventer la Méditerranée».
Inger Anderson, vice-présidente de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, voit quant à elle le CMI «continuer à faire face au Printemps arabe en tant qu’intermédiaire honnête, prenant en considération différentes approches et capable d’avoir un effet de levier sur les ressources de différents partenaires».
Enfin, pour le directeur du CMI celui-ci se doit de «répondre à de nouvelles demandes». Et il a d’ailleurs commencé à le faire, puisqu’en juin 2011 ce centre a facilité, à la demande du gouvernement tunisien, l’organisation d’un dialogue sur la protection sociale et l’inclusion.