L’Association de la Promotion de la Vertu et de la Prévention du Vice, créée en
novembre 2011, en Tunisie, s’inspire d’un mouvement de réflexion qui milite en
faveur de l’adoption de la «Chariaâ». La police religieuse voit le jour pour la
première fois en Arabie Saoudite avec pour mission d’appliquer à la lettre les
règles et principes religieux et avec un programme d’action.
Pour Adel El Almi, président de l’Association de la Promotion de la Vertu et de
la Prévention du Vice, créée en novembre 2011, mais non reconnue, présentée à
juste titre comme une police religieuse, persiste et signe. Il a déclaré, dans
un débat initié par la radio privée Shems Fm, jeudi 1er décembre 2011, qu’il
existe des lois divines qu’«on ne peut pas discuter, contrairement aux lois
humaines».
Cette association n’a cessé de défrayer la chronique, ces derniers jours,
notamment en empêchant, le 25 novembre 2011, Ikbel Gharbi, professeure
universitaire en Sciences religieuses, de pénétrer à Radio Zitouna, à la tête de
laquelle elle a été nommée; sans doute parce qu’elle est jugée «libérale» et pas
donc rigoriste par l’association de Adel El Almi qui se veut le «gardien des
valeurs islamiques».
Si elle constitue une «nouveauté» en Tunisie, la police religieuse, parce que
c’est ainsi qu’il faut l’appeler, n’est pas une découverte pour les
universitaires-chercheurs, dont certains tunisiens, qui ont eu à étudier son
existence et ses méthodes.
Combattre les lois contraires à la «Chariaâ»
Il en ressort des informations recueillies auprès des sources interrogées que
cette police est pour l’essentiel «institutionnalisée» dans des pays musulmans
qui ont en commun une volonté largement exprimée d’adopter la «chariaâ», la loi
islamique.
Cette loi entend embrasser à la fois les aspects publics et privés de la vie
d’un musulman, ainsi que les interactions sociétales. Par ailleurs, cette loi a
trait, selon les spécialistes, à la fois au domaine des «Ibadat» qui concerne le
culte (la prière, le jeûne, le pèlerinage,…) et à celui des «Mu’amalat»
(mariage, divorce, garde des enfants, statut de la femme, nourriture, boissons,
tenue vestimentaire, infractions pénales, affaires judiciaires,…) qui concernent
les interactions humaines.
A la naissance de ce mouvement, notamment un idéologue des Frères musulmans, Abd
al-Qadir Awda, qui déclare, dans les années trente du siècle dernier, que les
musulmans ont pour obligation de combattre les lois contraires à la Chariaâ.
Les critiques concernent, à ce propos, essentiellement les systèmes légaux et
judiciaires européens considérés «culturellement inappropriés» aux sociétés
musulmanes.
Une police d’Etat
D’autres chercheurs soutiennent que c’est Ibn Taymiyyah
(1263-1328 ap. J.-C./661-728
de l’Hégire) qui est à l’origine du dogme de l’application de la Chariaâ en tant
que «concept complet qui inclut la vérité spirituelle des soufis (Al Haqiqa), la
vérité rationnelle (Al Aql) des philosophes et des théologiens et la loi. Ils
soutiennent qu’Ibn Taymiyyah a beaucoup influencé la pensée de Mohamed Ibn Abd
El-Wahhâb.
Quoi qu’il en soit, le dogme va connaître un boom avec l’adoption de la doctrine
du Wahabisme, mouvement religieux et politique arabe et musulman[] sunnite
d’inspiration hanbalite[], fondé par Mohamed Ibn Abd El-Wahhâb (1703 – 1792)
vers 1745, qui milite ardemment pour une stricte application de l’Islam, par
l’Etat saoudien, en 1929.
Cette doctrine va se développer, affirment des historiens, en dehors des
frontières du royaume grâce au pouvoir de l’argent du nouveau royaume (voir, à
ce propos, l’article de Jean Isnard sur «L’histoire du wahabisme»).
Rien d’étonnant dans ces conditions que la première police religieuse («Les
Moutawa») ait vu le jour en Arabie Saoudite, en 1940. Sous la forme d’une police
d’Etat avec pour mission d’appliquer à la lettre les règles et principes de la
religion musulmane. Et avec un programme d’action qui peut être résumé en ceci:
«arrestation de toutes personnes se livrant à des activités homosexuelles, de
prostitution, de fornication; arrestation de toute homme et de toute femme
trouvés ensemble alors qu’ils n’appartiennent pas à la même famille;
surveillance de l’application des règles islamiques en matière d’habillement et
en matière alimentaire (interdiction de manger du porc, par exemple, ou
interdiction de boire de l’alcool), et de la fermeture des magasins pendant la
prière; interdiction de marchandises considérées comme non islamiques, telles
que CD ou DVD de certains groupes musicaux occidentaux, de certains films ou
émissions télévisées; empêcher le prosélytisme et la pratique en Arabie saoudite
d’autres religions que
l’Islam» (source: Wikipédia).
L’expérience sera «copiée» par d’autres pays musulmans: en Iran, en Afghanistan,
en Indonésie et en Somalie. Avec souvent des atteintes aux libertés et
quelquefois des ravages. Comme, en mars 2002, lorsqu’un incendie dans une école
de jeunes filles à La Mecque a été marqué par la mort d’élèves: les Moutawa
avaient, selon les informations diffusées dans la presse internationale, refusé
de «laisser des jeunes filles sortir dévoilées du brasier».
Nous y reviendrons.
Prochain article: Lorsque les Basij s’inquiètent de l’importante quantité de gel
dans les cheveux!