Tunisie : L’indépendance de la Banque centrale… Pourquoi?

Par : Autres

bct-0110-320.jpgDans les régimes démocratiques avancés, l’indépendance de la Banque centrale vis-à-vis du pouvoir exécutif constitue un élément essentiel à l’établissement d’un environnement économique solide. Ainsi, de nombreux pays ont récemment opté pour une indépendance accrue de leurs Banques Centrales.

Cette indépendance se traduit par la limitation (ou même l’absence) de l’interférence des décideurs politiques dans la conduite et la mise en œuvre des politiques monétaires. Ce qui veut dire que la Banque centrale ne peut solliciter ni accepter des instructions de la part du gouvernement, d’un organe législatif ou de toute autre agence gouvernementale, quant à la conduite de la politique monétaire. Le gouvernement et ses agences s’engagent, également, à respecter ce principe et à ne pas chercher d’influencer, même indirectement, les organes de décision de la Banque centrale[1].

On distingue trois niveaux d’indépendance: l’indépendance légale, l’indépendance opérationnelle ou fonctionnelle et l’indépendance au niveau du management.

L’indépendance légale est reliée au rattachement légal de la Banque centrale (exécutif ou législatif). En particulier, cette indépendance se traduit par le mode de désignation du gouverneur de la Banque centrale. Néanmoins, cette indépendance que l’on qualifie de Jure peut ne pas être observée de manière effective dans la pratique (de facto). C’est les deux autres formes qui déterminent dans la pratique le degré d’autonomie effective de la principale autorité monétaire.

La deuxième forme d’indépendance de la BC concerne la liberté de choisir les instruments à utiliser, ainsi que le timing de leur mise en œuvre. Bien évidemment, le pouvoir exécutif garde son influence sur les politiques monétaires même pour les Banques centrales les plus indépendantes. L’objectif n’étant pas de créer un Etat dans l’Etat, mais d’éviter les interférences à court terme. A ce niveau, il est préférable que la fixation des objectifs de la Banque centrale se fasse en accord avec le département exécutif en charge (par exemple, le ministère des Finances). Ceci augmenterait la crédibilité des politiques monétaires et éviterait, en même temps, tout conflit avec la politique budgétaire et fiscale.

Le dernier niveau d’indépendance a trait à l’autonomie de l’autorité monétaire centrale à gérer ses propres affaires, en interne, sans interférences des pouvoirs politiques (nominations des directeurs généraux, promotion, fixation des budgets et leur utilisation…). L’indépendance managériale est une condition préalable à l’existence des autres formes d’indépendance.

Les bienfaits de l’indépendance de la BC sont unanimement reconnus par les académiciens, les institutions internationales ainsi que les décideurs politiques. Cette indépendance contribue à une meilleure performance économique sur le long terme. Lorsqu’une Banque centrale est plus indépendante, les politiques monétaires mises en place sont plus crédibles et les opérateurs économiques sont plus sensibles aux signaux émis par les autorités monétaires.

Sur un autre plan, une indépendance accrue des autorités monétaires aurait pour conséquence d’augmenter la transparence du processus de prise de décisions dans la sphère politique.

A contrario, sous les pressions politiques, les orientations de la Banque centrale peuvent être dictées par des objectifs électoraux qui favoriseraient des actions ayant plutôt un impact à court terme. En effet, il est possible que, à l’aube d’échéances politiques importantes, des instruments soient utilisés pour booster artificiellement l’activité économique et réduire le chômage. Ces niveaux sont souvent non adaptés au vrai potentiel de l’économie nationale. Ces actions, certes populaires et politiquement «rentables» sur un horizon court, ne présentent pas d’effets durables, et engendreraient, sur le long terme, des pressions inflationnistes non désirables. Plusieurs études scientifiques ont montré, à cet égard, un lien négatif fort entre le degré d’indépendance de la Banque centrale et le niveau moyen de l’inflation.

En effet, l’interférence de l’exécutif dans les décisions de la Banque centrale réduit la crédibilité des objectifs annoncés (notamment concernant le maintien d’un niveau faible d’inflation) et affecte, en conséquence, la réponse des opérateurs économiques aux signaux émis par les autorités monétaires.

Sur un autre plan, un gouvernement qui a le contrôle total de la Banque centrale pourrait utiliser, de manière abusive, la création de monnaie comme moyen pour financer son déficit budgétaire. Ce qui conduirait, inévitablement, à des niveaux d’inflation et des taux d’intérêts élevés, et une économie très volatile.

Par ailleurs, l’indépendance de la Banque centrale nécessite la mise en place de mécanismes de gouvernance externes et internes. Les responsables de la BC doivent répondre de leurs actions notamment par rapport au respect des objectifs qui ont été fixés par le gouvernement ou par l’organe législatif. En même temps, la Banque centrale doit être transparente sur ses activités internes ainsi que sur ses stratégies. Cette indépendance ne doit pas s’étendre de manière systématique aux activités non monétaires. En particulier, l’activité de supervision doit être ou bien coordonnée avec les autres agences de supervision (le CMF notamment), ou bien complètement externalisée, et ce en raison de la nature différente de la surveillance de la solidité des banques et du système financier en général.

Il est également essentiel de définir avec précision l’éventail d’activités de la Banque centrale qui doivent être incluses sous le label de politiques monétaires et qui sont, donc, éligibles à l’indépendance. Ces activités incluent nécessairement les instruments dits conventionnels, à l’instar de la fixation de cibles pour le niveau du taux d’intérêts directeurs, le taux de croissance de la masse monétaire, ou encore le rôle de prêteur de dernier ressort.

Par ailleurs, les instruments non conventionnels peuvent échapper à cette autonomie en raison de leurs effets fiscaux secondaires. Il s’agit, par exemple, des actions visant à accroître la liquidité sur le marché ou à influer le prix de certains actifs.

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