à Berlin en 1937. |
[14/12/2011 14:32:58] PARIS (AFP) Révisionnisme! Diffamation! Une bataille aussi historique que juridique s’est livrée mercredi devant le TGI de Paris, qui examinait l’affaire Louis Renault, dont les héritiers demandent réparation pour la nationalisation-sanction de la firme automobile en 1945.
“Il a été dit que cette action tendait à réhabiliter” Louis Renault (1877-1944), accusé de collaboration avec l’Allemagne nazie, a déploré devant le tribunal Me Thierry Lévy, avocat des sept petits-enfants de l’industriel qui ont attaqué l’Etat en justice.
Il n’en est rien, a-t-il affirmé, sans convaincre l’auditoire.
Les héritiers de l’industriel ont déposé une “question prioritaire de constitutionnalité” (QPC), nouveauté procédurale par laquelle ils contestent la validité de l’ordonnance de confiscation du 16 janvier 1945 prise par le gouvernement provisoire de la République française, qui avait transformé Renault en régie nationale.
Pour Me Lévy, cette ordonnance “a porté atteinte aux principes fondamentaux du droit de la propriété”, la confiscation des usines Renault était une “voie de fait” et ses clients peuvent prétendre à une indemnisation.
L’avocat des héritiers a donc demandé au tribunal de transmettre leur QPC à la Cour de cassation, chargée d’en saisir ensuite le Conseil constitutionnel si elle la juge valable.
Face à lui, le ministère public, ainsi que les avocats de l’Etat et de plusieurs “intervenants volontaires”, dont une fédération d’anciens déportés et le syndicat CGT-Métallurgie, ont en revanche demandé au TGI de se déclarer incompétent au nom, entre autres motifs, de la prescription. Et de ne pas transmettre la QPC.
Le tribunal rendra sa décision le 11 janvier.
Audace
A l’audience, à laquelle assistaient héritiers de Louis Renault, journalistes et curieux, debout au fond d’une salle trop petite, les débats se sont avérés plutôt vifs pour une affaire jugée au civil.
“De l’autre côté de la barre, on soutient que l’ordonnance de 1945 n’avait pas véritablement valeur législative. Cela ne résiste pas à l’examen!”, a estimé Me Xavier Normand-Bodard, avocat de “l’agent judiciaire du Trésor” (l’Etat). Pour lui, cette ordonnance ne doit pas être “remise en cause par un dévoiement du mécanisme de la QPC”.
“Ce qui me frappe, c’est l’audace des héritiers Renault”, a affirmé Me Jean-Paul Teissonnière, avocat de la CGT. Audace “juridique, judiciaire, financière et morale” à revendiquer réparation, a-t-il estimé.
“Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il n’y a pas une volonté de réhabilitation!”, a asséné Me Alain Lévy, avocat de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP), rappelant que les petits-enfants Renault réclamaient aussi un euro de dommages-intérêts pour “préjudice moral”.
Pendant la guerre, a-t-il continué, “une très grande majorité de la production de Renault est partie à l’ennemi”, l’entreprise n’a apporté aucune aide à la Résistance ni n’a “demandé à ses ouvriers de saboter” l’outil de production.
“Nous sommes face à un discours révisionniste puisqu’on vient nous demander la réhabilitation de quelqu’un qui a vu ses biens confisqués pour avoir collaboré avec l’ennemi”, a-t-il conclu.
“Révisionniste… c’est un mot à l’intonation fâcheuse, une accusation outrancière”, a répondu l’avocat de la famille Renault, qui vaudrait à celui qui l’a prononcé d’être attaqué “en diffamation s’il n’était pas couvert par son immunité d’avocat”.
A l’extérieur, devant les caméras, une petite-fille de Louis Renault expliquait ensuite que “les usines Renault avaient travaillé sous la contrainte” pendant la guerre. “Ca c’est pour l’Histoire”, a-t-elle dit.