Les drones américains dominent le ciel, les Européens se disputent au sol

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éricain lance un drone, le 4 septembre 2010. (Photo : Patrick Baz)

[15/12/2011 07:56:26] PARIS (AFP) L’armée de l’air américaine maintient en vol soixante drones de surveillance en permanence, les Européens n’en ont toujours pas produit un seul, risquant même de développer deux modèles concurrents.

Cassidian, division militaire du géant européen EADS basée en Allemagne, et Alenia aeronautica, filiale de l’italien Finmeccanica, ont annoncé mercredi un accord pour essayer de répondre aux besoins des armées allemande et italienne en drones de surveillance et de combat.

Cette initiative répond à la décision de la France de développer un drone de surveillance avec la Grande-Bretagne, dans le cadre de la coopération de défense résultant du Traité de Lancaster House (2 novembre).

La France a confié le développement d’un drone MALE (moyenne altitude longue endurance) à Dassault en coopération avec le britannique BAE Systems, excluant de fait le drone Talarion en développement chez EADS.

“Le traité franco-britannique a entraîné les Allemands et les Italiens à se rapprocher, on parle d’un projet de traité germano-italien qui serait dans les cartons”, explique Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Pourtant, dit-il, “personne aujourd’hui n’a intérêt à faire un drone MALE sur une base nationale”. D’autant que le marché européen du drone MALE est estimé à 50 ou 60 appareils maximum, souligne-t-il.

Pourtant, les drones sont devenus indispensables dans la guerre moderne.

L’US Air Force maintient en permanence 60 patrouilles de drones au-dessus de l’Irak et de l’Afghanistan, d’après l’hebdomadaire spécialisé DefenseNews. La Chine dispose déjà d’une gamme de 25 drones différents.

Comment l’Europe en est-elle arrivée là malgré sa volonté affichée de rapprocher ses industries de la défense ?

Aux différences d’approche des gouvernements s’ajoutent les rivalités industrielles et les querelles de personnes qui deviennent des querelles d’Etat.

Ainsi le projet Talarion avait été lancé pour répondre aux besoins des armées françaises, allemandes et espagnoles. Mais face aux hésitations de Berlin à soutenir le projet, Paris a répondu aux sollicitations des Britanniques.

Après les déboires de l’avion de transport militaire A400M, Paris comme Londres préfèrent lancer des projets sur une base bilatérale, quitte à les ouvrir ensuite à d’autres partenaires. Conçu pour satisfaire huit pays différents, l’A400M a accumulé retards et dépassements de coûts et sera livré en 2013.

Rivalités industrielles: EADS et Dassault sont à couteaux tirés. Le géant européen, né de la coopération industrielle franco-allemande, n’a pas avalé la décision de Paris de choisir Dassault pour développer un drone MALE.

“EADS a beau détenir 46% du capital de Dassault aviation, nous n’avons pas voix au chapitre”, explique un de ses dirigeants.

Querelles personnelles: au sein des quatre divisions d’EADS, les différends entre Allemands et Français tournent vite aux tensions entre Etats.

“Mais ce n’est pas la fin de l’histoire”, estime M. Maulny. Les cartes peuvent encore être redistribuées.

EADS continue à financer sur ses propres fonds le Talarion, auquel Turkish Aerospace Industries est associé depuis un an.

Le secrétaire d’Etat allemand à la Défense, Stéphane Beemelmans, s’est prononcé récemment pour une coopération avec la France dans le domaine des drones. “Je ne crois pas à deux projets de cette envergure au niveau européen”, a-t-il déclaré.

A Paris, le ministère de la Défense s’inquiète de la vision britannique de la coopération. Pour Londres, il s’agit moins de construire un nouvel appareil MALE que d’en acheter un en commun: et pour le moment les seuls qui existent sont américains.