Si on croit les «fuites» sur la composition du prochain gouvernement de transition, on ne peut qu’être déçu. A l’exception du changement des têtes, des noms et des prénoms, le gouvernement de Hamadi Jebali n’innove pas et ne serait qu’une copie conforme des gouvernements précédents, notamment en termes de nombre.
Les indices en sont: effectif pléthorique de ministres et de secrétaires d’Etat, regroupement malheureux des départements… En clair, cette composition, pour peu qu’elle se confirme, est loin d’illustrer l’esprit révolutionnaire qui a soufflé sur le pays un certain 14 janvier 2011.
Elle reflète, par contre, la volonté de la primature d’émietter l’exécutif, de dépouiller tous les départements ministériels de tout pouvoir de décision et de se limiter à faire bénéficier de moult avantages (voitures, et autres privilèges…) de hauts fonctionnaires, recrutés pour la plupart dans le sillage de la Troïka (Ennahdha-CPR-Ettakatol). En somme, un «nouveau parti unique de fait», diront certains.
Conséquence: le pays n’est pas sorti de l’ornière. Comme une fatalité, il sera toujours plombé par des pratiques invétérées de la mauvaise gouvernance qui a pour noms bureaucratie, technocratie, centralisation, népotisme, corruption…
Cette architecture du gouvernement a un coût énorme pour le contribuable. Ce coût est à percevoir à travers le gaspillage des deniers publics dans un pays qui a, pourtant, besoin de chaque millime pour créer des emplois décents à plus de 2,5 millions de chômeurs et de personnes exerçant un métier précaire.
Elle donne, par ailleurs, la plus mauvaise image qui soit de la gouvernance en Tunisie. Pour vous en donner une idée. Imaginez un ministre chinois de l’économie qui vient visiter un tout petit pays comme le nôtre et qui doit faire le tour de 7 ministères -et s’entretenir en chinois avec leurs locataires- pour se faire une idée, bien une idée de l’économie tunisienne.
Les pays démocratiques ont pris vite conscience de cette hémorragie de deniers publics et limité leur gouvernement à quelques super-ministères. A titre indicatif, en France, pas moins de cinq secteurs sont regroupés dans un seul ministère en l’occurrence celui de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer.
Pour le cas de la Tunisie, des propositions ont été, pourtant, faites pour réduire le nombre de départements ministériels et regrouper dans un seul ministère les activités selon leur complémentarité.
Dans son essai sur la révolution: «La prochaine guerre en Tunisie: la victoire en 5 batailles», Cyril Grislain Karray en a formulé quelques unes. Il suggère de regrouper «dans un même grand ministère du Développement économique l’industrie, et le Développement, et les Télécommunications, et le Commerce, Et la Coopération économique internationale et l’Aménagement du territoire».
Il propose, également, de mettre sous la même tutelle départementale l’Education, l’Enseignement (trois cycles), la Formation professionnelle, l’Emploi. L’objectif est de gérer, à ses yeux, «de bout en bout du parcours d’insertion réussie dans la vie active de chaque élève».
Il recommande de créer un super-ministère pour transformer l’Etat, l’administration et les collectivités territoriales et de regrouper dans un même département tourisme, culture et patrimoine. Ce dernier projet est défendu également par MM. Mehdi Houas, ministre du Commerce et du Tourisme, et Ezzeddine Bach Chaouch, ministre de la Culture.
Par delà ces propositions qu’on ne peut que saluer, cette tendance fâcheuse de la primature de Hamadi Jebali à accaparer tous les pouvoirs et à en garder le contrôle est un mauvais message pour ceux qui aspirent à la démocratie et au partage des pouvoirs. Elle risque de créer un précédent, et surtout, de contaminer la gouvernance des régions et des collectivités locales au moment même où les Tunisiens croient naïvement qu’ils vont peut-être parvenir un jour à élire leur maire et leur préfet.