Comme plusieurs de ses dirigeants l’ont déclaré, Ennahdha est convaincu que certains parmi les perdants des élections du 23 octobre 2011 voudraient, en guise de «deuxième tour en dehors des urnes», miner le terrain social sous les pieds du parti islamiste, en utilisant leur présence au sein de l’UGTT, pour l’empêcher de gouverner dans la sérénité. Une accusation que rejettent bien sûr les formations en question.
Du haut de la tribune des 26èmes Journées de l’Entreprise, Mohamed Ennaceur a essayé de calmer le jeu en coupant, en quelque sorte, la poire en deux. Tout en évitant de confirmer ou d’infirmer l’accusation adressée par les dirigeants d’Ennahdha à certains partis d’extrême gauche de jeter de l’huile sur le feu, le ministre des Affaires sociales a nié que l’UGTT cherche à attiser les troubles sociaux.
«Les troubles sociaux sont souvent spontanés et ne laissent pas le temps aux partenaires sociaux de trouver une solution, et très souvent les syndicats sont dépassés», diagnostique le ministre sortant. Conscient qu’une «idée largement répandue veut que les syndicats soient derrière ces troubles, mais la vérité est qu’ils courent derrière leurs bases et n’ont pas d’autre choix que d’appuyer leurs revendications, sinon ils perdront toute influence», explique M. Ennaceur.
Si son premier effet a été de renverser le régime dictatorial et corrompu de Ben Ali, c’est surtout sur le terrain social que la révolution est en train de se faire sentir, avec la multiplication des grèves, sit-in, manifestations, grèves de la faim, etc. Et M. Mohamed Ennaceur ne s’en étonne pas et semble partager l’avis de «beaucoup de responsables de partis politiques qui y voient un phénomène dénotant d’une bonne santé puisque chaque classe exprime ses revendications et ses besoins».
Sauf que, comme constate le ministre, en plus du recours à la violence dans certains cas, ces mouvements n’expriment pas toujours des revendications mais le refus de décisions de l’administration et «empêchent les travailleurs de travailler, l’entreprise de produire, et une infrastructure publique de fonctionner».
Ces faits sont également assez souvent le fait d’une «minorité, groupe tribal ou habitants d’un quartier, dont le comportement sert un intérêt minoritaire au détriment de l’intérêt général».
Pour le ministre des Affaires sociales dans le gouvernement sortant, cette situation confirme «l’effritement des liens sociaux» et constitue la conséquence d’un «pouvoir dictatorial ayant privé les gens de leurs droits», «d’un modèle de développement inéquitable qui réalisait un certain développement mais sans justice et en approfondissant les écarts sociaux et le sentiment d’injustice chez de nombreuses franges sociales et régionales» et de la perte de toute crédibilité et légitimité de l’Etat.
Devant cette explosion sociale, et l’impossibilité en raison du manque de moyens de «satisfaire toutes les demandes et rapidement», Mohamed Ennaceur, convaincu qu’on ne peut pas y faire fasse avec «les moyens classiques», conseille au prochain gouvernement d’en faire l’objet d’un «dialogue national associant toutes les parties ayant de l’influence», dans l’espoir de pouvoir dégager des solutions adéquates qui remportent l’adhésion du plus grand nombre de Tunisiens et, surtout, élaborer un nouveau pacte social permettant, de ce fait, d’éteindre l’incendie social.