Les banques ne prêtent qu’une oreille distraite aux conseils de la BCE

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ésident de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi le 19 octobre 2011 à Francfort (Photo : Kai Pfaffenbach)

[16/12/2011 14:09:35] PARIS (AFP) Les mesures exceptionnelles annoncées la semaine dernière par la Banque centrale européenne (BCE) pour soutenir le crédit et inciter les banques à acheter de la dette souveraine n’ont, pour l’instant, eu que très peu d’effet dans un contexte de tension persistante.

Opération de prêts à trois ans, du jamais vu même en 2008, baisse du taux de réserve, élargissement des actifs acceptés, la BCE a voulu sortir le “bazooka”, selon l’expression reprise par le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer.

“Cela donne un peu d’oxygène, mais ce n’est pas miraculeux”, tempérait néanmoins cette semaine un dirigeant de banque, considérant que “le sujet de fond de la liquidité demeure”.

Sur le plan du crédit, aucun indicateur ne permet encore de mesurer l’effet qu’ont éventuellement produit ces mesures.

Mais, “on peut supposer que cet argent ne va pas dans les financements classiques”, analyse Eric Lamarque, professeur à l’université Bordeaux-4.

Le fait que les banques continuent à redéposer, tous les soirs, des sommes colossales auprès de la BCE plutôt que des les injecter dans le circuit économique n’est pas très bon signe. Lundi, 346 milliards d’euros ont ainsi été placés, un record depuis 18 mois. L’opération est peu rentable, mais sûre.

“Nous donnons les liquidités. Les banques sont ensuite libres d’en faire ce qu’elles veulent”, constate-t-on à la BCE.

“On ne peut pas les empêcher de déposer auprès de nous, on ne peut pas limiter le montant des dépôts”, ajoute-t-on de même source.

“On essaie de changer cette attitude qui ne fait pas de bien au marché mais (…) cela dépend aussi d’autre facteurs comme la crédibilité des gouvernements de la zone euro, la question de la gouvernance” notamment, plaide-t-on du côté de Francfort.

En attendant des données actualisées sur le crédit, il est plus aisé de quantifier l’impact de ces mesures sur le marché des obligations d’Etats de la zone euro.

En une semaine, les taux espagnols ont très nettement baissé. Les rendements italiens ont eux aussi plongé dans un premier temps mais se situaient de nouveau vendredi largement au-dessus de 6% pour les titres de référence à 10 ans.

Quant aux obligations françaises, régulièrement malmenées depuis le début de l’automne, leur taux est passé vendredi en-dessous de 3% pour la première fois depuis plus d’un mois.

“Sur le marché, hormis la BCE, les banques achètent la dette de leur pays” mais ne s’aventurent pas ailleurs, explique un autre dirigeant de banque.

Les stratégistes de Crédit Agricole CIB relevaient ainsi que les banques espagnoles intervenaient massivement sur la dette ibérique, ce qui expliquerait notamment le succès de l’émission obligataire réalisée jeudi.

Mais quant à retrouver de l’appétit pour d’autres dettes souveraines, “les banques françaises, par exemple, ne vont plus acheter de dette italienne. On leur a fait le coup une fois, pas deux”, prévient Thomas Philippon, professeur à la Stern School of Business (New York University).

A la crise de la zone euro, s’est ajoutée la décision du régulateur européen (EBA) de contraindre les banques à inscrire à leur bilan la valeur actuelle sur le marché des titres d’Etat qu’elles ont en portefeuille au lieu de celle qu’ils avaient au moment de leur acquisition. Or, cette valeur s’est considérablement détériorée depuis le moment où les banques ont acquis ces titres, ce qui dénature complètement la dette souveraine, considérée jusqu’ici comme un actif stable par excellence.

“Tant qu’elles peuvent craindre des moins-values supplémentaires sur la dette souveraine européenne, les banques vont rester réticentes à en acheter”, considère Eric Dor, directeur de recherche à l’IESEG School of management.