Sur le plan culturel, trois secteurs ont vite emboîté le pas à la Révolution tunisienne: le livre, les arts plastiques et le théâtre.
Bizarrement, c’est le livre (qui doit normalement prendre tout son temps) qui a été très rapide à s’exprimer sur la Révolution du 14 janvier. Dès le mois de février, est apparu un ouvrage de Mohamed Kilani intitulé La Révolution des braves. Puis, au fil des semaines, sont sortis plusieurs livres dont on peut citer Ben Ali, le ripou de Béchir Turki, Bouâzizi ou l’étincelle qui a destitué Ben Ali, en passant par le fameux Dégage, un somptueux ouvrage édité par la Maison Alif et comprenant une centaine d’illustrations vivantes ainsi qu’une infinité de témoignages. A ce jour, on pourrait totaliser une bonne dizaine de livres ayant accompagné la Révolution.
A partir du mois de mars, les arts plastiques, et particulièrement la caricature, ont commencé à suivre le mouvement. Plusieurs expositions ont eu lieu un peu partout pour revenir sur l’homme qui régnait sur la Tunisie durant 23 ans, mais aussi sur les siens et les agissements de la famille mafieuse. Avec cette avalanche de caricatures, était perceptible la volonté de prendre une revanche sur une époque où la censure opprimait quasiment toutes sortes d’expressions artistiques.
Au théâtre, c’est surtout le one man show qui, lui aussi, est particulièrement revenu sur le président déchu pour le caricaturer à souhait.
Enfin, au cinéma, c’est plutôt le documentaire qui s’est intéressé à la Révolution et surtout à la condition des anciens opposants au régime déchu. Pour le cinéma proprement, il est évidemment très tôt pour que l’on produise des longs-métrages sur la question.
Ce qui ressort de toutes ces œuvres, c’est un sentiment de vengeance qu’on a hâte de prendre sur l’homme qui a près d’un quart de siècle fait preuve d’un despotisme ravageur et scandaleux. Mais maintenant que la censure n’a plus raison d’être, on voudrait s’attendre à une culture beaucoup plus profonde et sensée. Car à trop focaliser sur l’homme de ce malheureux 7 novembre, on va fatalement le garder encore longtemps dans les esprits, alors qu’on voudrait l’effacer complètement de notre mémoire collective.
N’étant pas des spécialistes pour suggérer quoi que ce soit aux arts plastiques, on souhaiterait néanmoins que la littérature et surtout le cinéma reviennent sur l’oppression des Tunisiens durant 23 ans, et sur la Révolution telle qu’elle a eu lieu sur le terrain, c’est-à-dire avec ses plus de trois cents morts. Trois cents morts, c’est autant de tragédies qu’ont vécues des familles tunisiennes, et cela mérite amplement de s’inscrire dans l’Histoire du cinéma tunisien.
On a encore à l’esprit tout ce beau cinéma sorti, tardivement, certes, sur la Révolution russe de 1917, et dont on cite Le Docteur Jivago ainsi que l’inoubliable La balade du soldat. Vivement un cinéma tunisien qui fasse écho à la Révolution du 14 janvier.