Avec l’élection, lundi 12 décembre 2011, du Dr. Moncef Marzouki à la tête de l’Etat, c’est enfin l’épilogue tant attendu d’une situation qui a failli par moments être explosive. Bref retour sur une année trouble.
Pour beaucoup d’observateurs, la Révolution tunisienne a pris son origine dans la région de Gafsa dès 2008 avec les manifestations répétitives de centaines de mineurs en chômage et réclamant la fin du despotisme, de la dictature, du sous-développement qui les…minait et de la pauvreté. Ces manifestations, comme tout le monde le sait, avaient été réprimées souvent dans le sang. Mais déjà, donc, le pays était à la merci d’un incident pour s’embraser et prendre une autre tournure dont, pourtant, personne ne pouvait encore entrevoir l’issue.
Aujourd’hui, avec le recul, il est assez curieux de constater que l’immolation par le feu de Mohamed Bouâzizi aurait pu, ce 17 décembre 2010, relever du simple fait divers, sans plus. D’ailleurs, un autre citoyen de Monastir, bien avant lui, s’était également immolé par le feu, son suicide était resté lettre morte, sans le moindre tapage médiatique. Sauf que sur le plan économique et social, Monastir n’a rien à voir avec Sidi Bouzid où le taux de chômage et de pauvreté est scandaleux.
Deux facteurs de grande importance allaient amener le geste désespéré de Mohamed Bouâzizi vers un tournant inimaginable, imprévu mais finalement décisif. Le premier est la succession de révoltes qui avaient secoué tout le gouvernorat de Sidi Bouzid (notamment Regueb, Jelma et Msaken). Le suicide de Mohamed Bouâzizi avait remué très douloureusement la plaie des Bouzidis qui se sont soulevés avec la nette intention de ne plus baisser les bras, de protester jusqu’au bout. Le deuxième s’est exprimé par une grosse erreur politique.
Dans une dictature choisie, réfléchie et menée avec une main de fer durant plus de deux décennies, il faut se garder de jouer au ‘‘papa très gentil’’. La visite effectuée par le président déchu au chevet de Mohamed Bouâzizi un certain 24 décembre 2010 à l’Hôpital des grands blessés de Ben Arous était une erreur fatale qui a coûté à Ben Ali son fauteuil au palais de Carthage. Cette visite était implicitement l’aveu d’une espèce de crime contre les Tunisiens, un crime régulièrement commis à travers une dictature musclée. Alors qu’il entendait calmer les esprits, il n’a fait que les envenimer. Et il commettra l’imprudence de réitérer la même erreur fatale en prononçant, le 12 janvier 2011, un discours ouvertement comminatoire.
Vous connaissez la suite des événements.
Or, avec la délivrance du 14 janvier 2011, le pays, au lieu de fêter sa deuxième indépendance et sa liberté retrouvée, est entré dans un cycle de dérapages. Emeutes, grèves, sit-in, revendications salariales et violences de toutes sortes ont failli (si ce n’est déjà arrivé) mettre le pays à genoux. Dans la foulée, on allait assister à la montée en flèche de mouvements jusque-là matés et mis en quarantaine, tel le fanatisme religieux sous toutes ses coutures et ses couleurs. On allait également assister à la naissance de maints partis politiques dont le nombre a dépassé la centaine en l’espace de seulement quelques mois, puis à la multiplication des journaux: on ne compte plus aujourd’hui les quotidiens et les hebdomadaires nés à la faveur de la Révolution tunisienne.
A vrai dire, tout ce qui s’est passé dans notre pays depuis le 14 janvier s’inscrit logiquement dans l’ordre des choses: jamais révolution dans l’Histoire de l’humanité n’a connu tout de suite après une embellie générale. Toute révolution n’est que préalable à la reconstruction d’un pays sur les plans économique, politique et social. Sauf que la reconstruction ne se fait pas en trois jours, tant s’en faut.
Même si le Tunisien ressent encore aujourd’hui une certaine frustration (la non-extradition du président déchu, et surtout le gel, à ce jour, des richesses tunisiennes dans les banques étrangères), il faudrait tout de même que le 14 janvier 2012 soit fêté comme il se doit et dans toutes les régions de Tunisie. C’est tout de même notre premier anniversaire national.