[19/12/2011 08:58:58] TEHERAN (AFP) Les signes de difficultés économiques s’accumulent en Iran après 18 mois de sanctions occidentales, qui ont raréfié les investissements, renchéri les importations et réduit les ressources en devises du pays.
Confrontés à une nouvelle menace, plus radicale encore, d’embargo contre la banque centrale et les exportations pétrolières, certains responsables iraniens commencent à évoquer ouvertement le passage à une économie de guerre, tranchant avec le discours officiel minimisant jusqu’à présent l’impact des sanctions.
“Nous ne pouvons pas prétendre que les sanctions n’ont pas eu d’effet”, a reconnu ce week-end le ministre des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, tandis que le directeur de la chambre de commerce et d’industrie de Téhéran, Yahia al Ashaq, a évoqué la nécessité de gérer l’économie “comme en temps de guerre”.
Soupçonné, malgré ses démentis, par une partie de la communauté internationale de chercher à se doter de l’arme nucléaire, Téhéran est soumis à des sanctions de l’ONU contre ses programmes nucléaire et balistique, doublées depuis 2010 d’un sévère embargo occidental visant l’industrie pétrolière et le secteur bancaire.
Le Congrès américain a autorisé cette semaine un élargissement de l’embargo à la Banque centrale et aux exportations pétrolières dont l’Iran, deuxième producteur de l’Opep, tire 80% de ses devises, et l’Union européenne envisage des mesures similaires.
Le premier effet des sanctions a été de compliquer et renchérir les importations, les transactions bancaires en dollars ou en euros ayant été largement bloquées par les Occidentaux.
“Les importations coûtent 25% plus cher”, selon M. Yahia al Ashaq. Les industriels iraniens ont recouru à d’autres fournisseurs, en particulier chinois, mais les importations ont baissé de 20% depuis le printemps, selon des chiffres officiels cités par les médias.
Les exportations en revanche ont explosé pour atteindre en 2011 quelque 140 milliards de dollars, dont 120 milliards pour le pétrole et les produits pétroliers dopés par l’envolée des cours du brut.
Mais ces chiffres records “masquent le fait qu’une part croissante des échanges se fait désormais sous forme de troc”, note un expert pétrolier européen à Téhéran.
“Pour contourner l’embargo américain sur les transactions en dollars, les principaux acheteurs de brut iranien, comme la Chine, le Japon ou la Corée, ne paient plus en devises mais sous forme de ligne de crédit aux entreprises iraniennes, ce qui a réduit les ressources de la Banque centrale”, précise-t-il.
L’Iran affirmait au début de l’année disposer d’une centaine de milliards de dollars de réserves en devises et en or, mais la raréfaction des rentrées a incité la Banque centrale a restreindre fortement depuis l’été les ventes de devises aux entreprises ou aux particuliers, observe un banquier iranien.
La Banque centrale a également relâché son soutien massif au rial, qui lui coûtait très cher, laissant la monnaie iranienne perdre 20% depuis le début de l’automne.
L’Iran doit désormais être géré comme s’il était en état de siège, a admis cette semaine le gouverneur de la Banque centrale Mahmoud Bahmani.
L’impact des sanctions commence également à se voir sur l’industrie pétrolière ou gazière, désormais privée de tout investissement occidental.
La production pétrolière, en baisse de 10% depuis 2008, a continué à se tasser cette année pour tomber à 3,5 millions de barils par jours en novembre, bien loin des objectifs officiels, selon les chiffres de l’Opep.
Faute de ressources, Téhéran a annoncé ces dernières semaines la suspension de plusieurs projets non essentiels. Et des projets prioritaires comme le développement du gisement gazier géant de South Pars dans le Golfe connaissent des retards, selon les médias iraniens.
“Les investissement (étrangers) n’arrivent plus, ou avec difficulté, en raison des initiatives hostiles” des Occidentaux, a reconnu en novembre le ministre du pétrole, Rostam Ghassemi, estimant à 50 milliards de dollars par an les investissements nécessaires au secteur pétrolier et gazier.
Du coup, Téhéran a multiplié les emprunts sur le marché local, avec des succès divers, et a lancé un appel sans précédent aux investisseurs privés: pour la première fois, un projet de développement d’un champ pétrolier a été attribué début décembre à une banque privée iranienne.