L’or voit son éclat se ternir, rattrapé par les déboires de la zone euro

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or (Photo : Michal Cizek)

[19/12/2011 16:33:22] LONDRES (AFP) Considéré traditionnellement comme une valeur refuge, l’or ne profite pourtant pas des déboires de la zone euro: son cours a chuté de 20% en trois mois, alors que les investisseurs, en quête de liquidités, se désengageaient des métaux précieux pour engranger des bénéfices.

Après avoir atteint le 6 septembre un sommet historique à 1.915 dollars, le prix de l’once d’or a ensuite rapidement décliné: après un léger rebond en novembre, il est reparti en nette baisse, abandonnant plus de 10% dépuis début décembre et retombant sous la barre des 1.600 dollars.

“La récente chute du métal jaune a de quoi laisser perplexes ceux qui croyaient que l’or était l’ultime valeur refuge en cas de choc économique”, a souligné Ross Norman, directeur du courtier spécialisé Sharps Pixley.

En fait, face à l’aggravation de la crise en zone euro, qui assèche le marché du crédit, “la baisse de l’or reflète la crise des liquidités à laquelle sont confrontés banques et investisseurs”, a-t-il expliqué.

Ces derniers préfèrent se séparer de leur or pour se procurer de l’argent frais, et la mauvaise tenue des places boursières ne leur laisse guère d’alternative.

Dans “un environnement d’aversion extrême pour le risque”, les investisseurs “peuvent vendre leur or pour compenser leurs pertes sur les autres marchés”, complète, dans une note récente, Anne-Laure Tremblay, analyste de BNP Paribas.

Par ailleurs, “il n’est pas anormal de voir les opérateurs engranger quelques bénéfices avant la fin de l’année”, avant la fin de l’année, a ajouté M. Norman.

Cependant, pour Julian Jessop, expert du cabinet d’études britannique Capital Economics, “l’or souffre avant tout du fort renchérissement du dollar”, monté mi-décembre à son plus haut niveau depuis janvier face à l’euro.

“Les fortes chutes des prix de l’or en septembre, ou ces dernière semaines, correspondent à des nettes remontées du dollar contre la plupart des devises”, a-t-il remarqué.

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à Paris (Photo : Francois Guillot)

Le billet vert, considéré comme une monnaie archi-sûre, “s’avère, pour le moment, le principal bénéficiaire de la crise en zone euro et des inquiétudes économiques”, et le renforcement de la monnaie américaine rend moins attractifs les achats d’or, libellés en dollars, pour tous les investisseurs détenant d’autres devises, a souligné M. Jessop.

Incidemment, la récente envolée du dollar à son plus haut niveau historique face la roupie indienne “contribue à peser sur la demande en Inde”, le premier pays consommateur de métal jaune dans le monde, “en faisant grimper à des niveaux records le prix de l’or vendu en monnaie locale”, a indiqué Ross Norman.

Malgré tout, l’or – la “relique barbare” raillée par l’économiste Keynes – n’a pas dit son dernier mot.

“Son statut de valeur refuge n’est pas remis en question: en dépit des récentes corrections, il a mieux résisté depuis juillet que les Bourses ou les matières premières industrielles, ce qui prouve que l’or continue d’attirer des acquéreurs”, relève Anne-Laure Tremblay.

En effet, selon le Conseil mondial de l’or (CMO), la consommation mondiale d’or a progressé de 11% au cours du troisième trimestre, tirée par la demande de lingots et de médailles, mais aussi par les banques centrales, soucieuses de diversifier leurs réserves: leurs achats d’or ont atteint cette année leur plus haut niveau depuis 40 ans.

“Les prix actuels de l’or fournissent de bonnes opportunités d’achats pour les banques centrales ou les investisseurs ayant une vision de long terme”, a estimé Robin Bhar, analyste de Crédit Agricole-CIB.

“Au final, l’or devrait rebondir et son cours moyen devrait dépasser les 2.000 dollars l’once l’an prochain, mais le chemin de la reprise devrait se révéler très cahoteux pour le métal jaune”, a conclu M. Jessop.