La composition du gouvernement, annoncée jeudi 22 décembre 2011 par Hamadi Jebali, Premier ministre, reflète la mainmise du parti Ennahdha sur l’ensemble des affaires du pays. Outre les trois portefeuilles de souveraineté: Justice (Noureddine B’hiri), Intérieur (Ali Laaraiedh), Affaires étrangères (Rafik Abdessalem, gendre de Rached Ghannouchi), Ennahdha a raflé l’écrasante majorité des portefeuilles à vocation économique.
A l’exception des ministères des finances, de l’Environnement et du Tourisme qui sont revenus, respectivement, à deux indépendants ( Houcine Dimassi et Mme Mamya el Banna ) et à Ettakatol (Elyès Fakhfakh), les autres portefeuilles, au nombre de neuf sur un total de 12 sont attribués à des ministres nahdhaouis, en l’occurrence:
– Ridha Saïdi, ministre auprès du chef du Gouvernement chargé des dossiers économiques,
– Mohamed Lamine Chakhari, ministre de l’Industrie et du Commerce,
– Béchir Zaafouri, ministre délégué chargé Commerce,
– Riadh Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale,
– Jameleddine Gharbi, ministre du Développement régional et de la Planification,
– Abdelkerim Harouni, ministre du Transport,
– Mohamed Ben Salem, ministre de l’Agriculture,
– Mohamed Slimane, ministre de l’équipement et du logement,
– Mongi marzouk, ministre des technologies de la communication.
Ces ministres nahdhaouis auront pour mission majeure d’entamer la mise en oeuvre du programme économique qu’ils avaient présenté au cours de la campagne électorale. En voici les grandes lignes et orientations de cette feuille de route.
De tendance “ultralibérale”, ce programme consacre la libre entreprise, l’initiative privée, les introductions en Bourse, la promotion des investissements directs étrangers (IDE) et la relance de l’artisanat de prestige. Ce programme est conçu pour rassurer artisans, commerçants, investisseurs locaux et étrangers en ce sens où il reprend les objectifs macroéconomiques des programmes des gouvernements précédents: le XIIème Plan de Mohamed Ghannouchi (2012-2016), le programme électoral raté de Ben Ali (2010-2014) et le Plan Jasmin de Caïd Essebsi, présenté au G8, à Deauville (France) au mois de mai dernier.
Globalement, ce programme prévoit un taux de croissance annuel moyen de 7%, la création de 600 mille emplois environ, un taux d’inflation en deçà de 3%, un revenu par tête d’habitant de 9.000 dinars environ à l’horizon 2016, et la mise en route de grands chantiers d’infrastructure…
Les économistes du parti Ennahdha ont estimé à 170 milliards de dinars les besoins de financement de ce programme.
Ces mêmes experts comptent beaucoup sur l’Etat pour trouver une solution au chômage des diplômés du supérieur. Il s’agit pour eux de créer en leur faveur le maximum d’emplois dans les services publics et l’administration, ce qui ne va pas plaire à un des partenaires de la Tunisie, en l’occurrence la Banque mondiale.
Ils tablent aussi sur le rôle de l’Etat pour venir en aide aux démunis. La recette consiste à maintenir les SMIG et SMAG au dessus du taux d’inflation et d’instituer des allocations permanentes en leur faveur.
Parallèlement, l’accent sera mis sur la promotion des Associations non gouvernementales (ONG) à vocation développementale. L’objectif est de les associer à la création des sources de revenus, particulièrement dans les régions de l’intérieur.
Cette orientation rappelle bizarrement la politique discriminatoire de l’ancien régime: investissement lourd à l’est du pays (littoral) et assistance sociale à l’ouest du pays. Comme quoi rien ne va changer.
Concernant le travail à mi-temps et les contrats à durée déterminée, le programme se veut prudent. Il recommande l’organisation d’une consultation nationale à ce sujet. Les CDD, qui ont généré des emplois précaires, ont été abolis après la révolution dans les services publics.
Les nahdhaouis entendent également agir sur la fiscalité. Une attention particulière sera accordée à l’élargissement de l’exonération d’impôts pour les démunis, la simplification des procédures fiscales, la révision du Code d’incitations aux investissements et à l’amélioration de la perception des impôts, redevances et autres taxes, notamment de la TVA.