«La passation des pouvoirs, qui a lieu en Tunisie, le lundi 26 décembre 2011, au Palais de La Kasbah, est un modèle unique de l’alternance politique pacifique dans le monde arabe, en proie, depuis des mois, à des bouleversements sociaux majeurs, conséquence inéluctable d’un printemps arabe, prenant le monde entier de court», déclare Hamadi Ben Sedrine, past président de l’UTICA, rencontré en marge d’un séminaire sur le développement solidaire, pour qui, la principale tâche de Hamadi Jebali, Premier ministre du gouvernement provisoire, issu de la Troïka (Ennahdha, Ettakatol, CPR), est de retenir la classe créative du pays, d’équilibrer les compromis, de se garder des abstractions, de prendre les mesures nécessaires pour prévenir l’effondrement annoncé de l’économie nationale, de promouvoir, de nouveau, le goût du travail chez les Tunisiens, de libérer l’emploi, de renforcer la formation, de favoriser l’économie des talents, de hiérarchiser les priorités, de re-canaliser les énergies, de déverrouiller le potentiel de croissance des forces vives du pays, de rompre avec le recours obsessif à l’Etat “Mamma“, d’illustrer les chantiers, qui recèlent des promesses d’avenir et de sanctuariser, de capitaliser l’expérience des hauts cadres de la fonction publique. Dont la discipline et le dévouement aux intérêts de la collectivité étaient la ligne constante d’un corps, républicain dans son essence.
Pour notre interlocuteur, gagner n’est rien, durer est tout. On peut faire de la politique avec du cœur, mais on ne peut gouverner qu’avec la tête. Inutile de se cacher derrière son petit doigt. Il est crucial, dit-il, d’apaiser les craintes et les appréhensions du personnel du ministère de l’Intérieur, qui a pris, durant des mois, avec une philosophie stoïque, les coups que les hommes de terrain sont là pour prendre.
Car, après une année horribilis sur le plan économique et sécuritaire, le patronat et l’ensemble du peuple tunisien ont besoin de messages rassurants, de résolutions et d’un retour au plus vite aux fondements préliminaires de la vie sociale. Chacun assumant sa charge et personne ne montant sur les épaules de l’autre.
Il incombe donc, dit-il, à l’actuel locataire de La Kasbah de mettre fin à l’insécurité, au brouillage des codes, à la désinstitutionalisation rampante du pays, à la levée des barrières, aux replis identitaires et à certains mouvements sociaux, dont l’évolution met en cause les bases de la puissance publique. Puisque depuis la décrédibilisation de l’Etat et son retrait partiel de l’espace public, chacun vit à sa guise, suivant ses habitudes ou son caprice, dans le royaume du vague et de l’a peu près.
Eh oui, conclut M. Ben Sedrine, en cas d’urgence, certains dénouements doivent être brusqués. Pour apprendre au peuple à se contraindre et à prévoir. Pour secouer cette majorité silencieuse, qui se laisse souvent intimider par une minorité bruyante, laquelle sent sa force, dans le désir, dans le besoin qu’a la majorité de vivre en paix.