Icone de sagesse et figure de proue du syndicalisme indépendant, Ali Romdhane, Achouriste dans l’âme, un des neuf membres du Bureau exécutif de la Centrale syndicale, qui ont subi le couperet de l’article dix du règlement intérieur, limitant la responsabilité aux hautes instances, à deux mandats seulement, continue son bonhomme de chemin à l’occasion du 22ème Congrès de l’UGTT, se démène dans les coulisses pour le consensus, alerte les congressistes sur les dangers du fractionnisme et du régionalisme, bat le rappel de la base, imprime sa marque à travers les commissions, met en garde contre les surenchères et le sloganisme, regarde ce qui marche ou pas, fait le tour des militants, explique, justifie, évite les bras de fer verbaux. Afin de paraître patient, méthodique et tenace.
Pour notre interlocuteur, les identités batailleuses sont légions au sein de ce 22ème Congrès. Et la direction à la Place Mohammed Ali s’est toujours exercée en commun. Il faut, dit-il, tous les numéros de la bonne combinaison pour ouvrir le coffre de l’UGTT. Fédérer les sensibilités.
En dépit des sollicitations dont il fait l’objet depuis l’ouverture des assises de Tabarka, Ali Romdhane a bien voulu nous éclairer sur les enjeux en cours et la posture des uns et des autres.
WMC: Dans quelle atmosphère se déroulent les travaux de ce 22ème Congrès?
Ali Romdhane : Trois jours maintenant depuis le discours d’ouverture d’Abdessalem Jerad, secrétaire général de l’organisation syndicale, le congrès se déroule dans de bonnes conditions. L’atmosphère est démocratique. Tous les délégués, qui ont demandé la parole, ont pu s’exprimer librement sur les sujets les plus divers. Bien entendu, on a surtout focalisé sur la situation économique du pays, les nouvelles donnes politiques en cours, l’éclatement de la vie sociale et syndicale et l’émergence de nouveaux rapports de force sur la scène publique.
Avez-vous discuté de la trêve sociale, proposée par M. Moncef Marzouki, président de la République provisoire?
Si, certain syndicalistes appellent à l’arrêt des sit-in et des grèves sauvages, sans préavis, considérés, d’ailleurs, comme une atteinte à la liberté du travail et un embarras évident pour l’investissement, les IDE, l’emploi et la reprise de la machine productive.
D’autres proposent la concertation permanente et traiter les cas litigieux, à forte dose émotionnelle, avec les partenaires sociaux dans un climat de confiance réciproque.
Le pluralisme syndical est-il un danger pour l’UGTT?
Jamais. Car l’UGTT est enracinée dans l’inconscient collectif du peuple tunisien. Pendant la période transitoire, dans le flou, qui a accompagné les premiers mois de la révolution de la liberté et de la dignité, certains ont pratiqué la surenchère pour s’imposer sur la scène syndicale à l’aide des sbires et des milices de l’ancien régime et des opportunistes, des perdants, toujours prompts à jouer sur plusieurs tableaux.
Quelques patrons aussi, jouant aux apprentis sorciers, croyant pouvoir affaiblir l’UGTT, ont cru bon de soutenir l’émergence d’organisations syndicales rivales. Avec le temps, ils vont s’apercevoir de l’inanité de leurs actions.
Existe-t-il des appréhensions au sein de l’UGTT vis-à-vis d’Ennahdha?
La Centrale syndicale entretient des relations amicales avec tous les partis politiques et les composantes de la société civile tunisienne. Seulement, les militants de la Place Mohammed Ali attendent de tout gouvernement, quelle que soit sa couleur idéologique, le respect de la liberté syndicale, des acquis sociaux du pays et de la permanence du dialogue sociale.
Comment évaluez-vous le rendement des délégués pendant ce 22ème Congrès de l’UGTT?
Les congressistes doivent avoir une lecture objective de la situation économique du pays, prendre en considération les inquiétudes des partenaires sociaux, renforcer la politique contractuelle, préserver les acquis de la Centrale, ses orientations et son unité d’action.
Celui qui ne s’engage pas dans un effort permanent de réactualisation de ses modes d’action et de réflexion, se condamne à voir son langage, sa connaissance du monde et de la société, ses compétences, ses investissements… sombrer dans l’anachronisme.
Je pense que tous les militants, présents à ce 22ème congrès, sont conscients des enjeux cruciaux de cette étape délicate, caractérisée par la montée des revendications et des doléances des régions intérieures et des classes laborieuses.