Un sans abri dort dans une rue de Bilbao (Photo : Rafa Rivas) |
[30/12/2011 08:46:52] MADRID (AFP) Caché entre deux camions, Santos Perez ramasse dans un froid hivernal des fruits tombés par terre. Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux à venir récupérer de quoi se nourrir au grand marché central de Madrid, pour survivre dans une Espagne qui s’appauvrit.
“Ca vaut la peine de chercher ici, on en a besoin”, explique ce Dominicain de 37 ans, venu à l’aube pour avoir le meilleur choix possible.
Comme quasi 1,5 million de familles dans un pays frappé par un taux de chômage record, Santos Perez et son épouse survivent sans emploi. Maçon, ce dernier a été licencié après l’explosion de la bulle immobilière en 2008, qui a précipité la crise économique en Espagne.
Souriant malgré tout, il ne perd pas espoir de voir le nouveau gouvernement conservateur de Mariano Rajoy tenir sa promesse de relancer l’économie. “Il a dit qu’on allait avoir du travail. On va voir. J’espère que la situation va changer”, souffle-t-il.
Comme lui, d’autres personnes récupèrent ce qu’elles peuvent, dans un ballet incessant et assourdissant de camions alimentant cet immense marché.
“Dans la famille, nous sommes nombreux: entre mes tantes, mes cousins, leurs enfants, nous sommes plus de 20”, raconte Veronica Luna, une Bolivienne de 25 ans tout en remplissant, avec l’aide de sa mère, une caisse de pommes un peu gâtées.
“Nous ne les avons pas achetées, un monsieur qui déchargeait un camion nous a dit de prendre ce qu’on voulait”. Une aide bienvenue, car “à la maison, seules les femmes travaillent”, témoigne-t-elle.
D’autres ont moins de chance. Aux côtés de deux Africaines qui s’approchent d’un conteneur de fruits et de légumes desséchés, Rodrigue, un Camerounais de 20 ans traîne une vingtaine de cageots vides.
“Les commerçants ne nous donnent pas grand-chose, cinq centimes par cageot récupéré”, se lamente-t-il.
“Mais je n’ai pas d’autre travail et faire la manche, c’est honteux”, dit-il en français, ne parlant pas encore l’espagnol après seulement deux mois passés dans le pays.
Parmi ceux qui tentent leur chance, tous ne sont pas immigrés.
Mais les Espagnols rechignent à parler d’un problème qui les touche chaque jour un peu plus, à mesure que le taux de chômage, aujourd’hui à 21%, augmente.
Selon les chiffres provisoires pour 2011 de l’Institut national de la Statistique, 21,8% de la population du pays vit en-dessous du seuil de pauvreté, contre 19,5% en 2009 et 20,7% en 2010.
“Et la situation va empirer l’année prochaine”, regrette Carlos Susías, président du réseau de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en Espagne.
“La pauvreté n’est pas un châtiment divin. C’est la conséquence de décisions économiques et politiques”, ajoute-t-il, avant d’appeler le nouveau gouvernement conservateur à ne pas couper dans les dépenses de santé et d’éducation, surtout pour les plus défavorisés.
Mariano Rajoy a déjà annoncé des économies de 16,5 milliards d’euros en 2012.
Au MercaMadrid, le phénomène se fait sentir “depuis quatre ou cinq ans”, explique Julian Blanco, responsable d’un point de vente de fruits en gros.
En fin de journée, les produits restants sont donnés à la Banque alimentaire, une fondation à but non lucratif installée au marché, qui les redistribue à des organisations caritatives.
“Ce sont des soupes populaires, des associations qui aident les personnes en risque d’exclusion, des ex-toxicomanes, immigrés, femmes battues”, explique Celia Fernández, responsable de ce centre qui gère quelque 3.000 kg d’aliments par jour.
Depuis quelques années, ces organisations “reçoivent plus de gens et, à la banque alimentaire, nous avons une liste d’attente”, ajoute-t-elle.
En trois ans, le nombre de demandes d’aide à l’organisation catholique Caritas a doublé, passant de 910.812 en 2007 à plus de 1,8 million en 2010, selon les derniers chiffres de l’association caritative.