Le budget de l’Etat pour 2012, qui sera adopté dans des conditions exceptionnelles, c’est-à-dire en l’absence d’un débat parlementaire, porte l’empreinte des gouvernements précédents lesquels ont toujours navigué à vue et opté pour des solutions de facilité: recours abusif à la compensation et à l’endettement, souci de satisfaire les salariés et de recruter sans discernement dans une fonction publique déjà pléthorique…
En témoigne la structure du montant de ce budget. Sur un total de 23 milliards de dinars, plus que le tiers (plus de 8 milliards de dinars, sont 37,5%) sera alloué aux salaires, plus du septième à la compensation (environ 3.000 MDT, le double de 2010 et la moitié de 2011), presque le cinquième au titre du service de la dette (plus de 4.000 MDT) et enfin le 4ème du budget est consacré à l’équipement, voire à l’investissement public (ces chiffres sont approximatifs car ils changent chaque jour).
Cette architecture est similaire à celle des budgets concoctés par les soins des gouvernements technocrates de Mohamed Ghannouchi et de Béji Caïd Essebsi.
Le budget de l’Etat sera financé à hauteur de 70% par des ressources propres et le reste par des emprunts (30%), ce qui devrait porter le déficit budgétaire à un niveau record de 6% du PIB. Un taux à haut risque qui peut engendrer une aggravation de l’inflation et une autre baisse de la notation souveraine qui avec un BBB- est déjà fort coûteuse pour le pays.
Dans le détail, le volet social représentera 68% du budget de gestion (13, 5 milliards de dinars) contre seulement 5,2 milliards de dinars pour le développement, à noter encore que sur ce montant consacré à l’investissement public, seuls 68% iront à l’économique. Au rayon de l’emploi, le budget prévoit de créer plus de 21.000 emplois dans la fonction publique (environ 5.000 dans l’éducation, plus de 3.000 dans la santé, 3.000 au ministère de l’Intérieur, 2.000 dans le domaine de la jeunesse et des sports, 1.500 dans la justice, 1.000 dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique…).
La seconde hypothèse prévoit de consacrer au budget de l’Etat 400 millions de dinars en tant que ressources provenant de l’argent et des propriétés confisqués au profit de l’Etat, outre la mobilisation de ressources extérieures de l’ordre de 3.959 MDT dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale, en vue de renforcer les différentes réformes économiques et sociales.
Concernant la fiscalité, le budget table sur une pression fiscale de l’ordre de 19,3%, en tenant compte de la fiscalité sur les produits pétroliers et de 17,8%, hors pétrole.
Mention spéciale pour le peu de cas accordé au développement régional. Selon Mme Lobna Jéribi, députée à la Constituante et vice-présidente de la Commission chargée de l’examen du budget de l’Etat 2012, quelque 55 MDT seront “alloués à l’amélioration des conditions de vie et à la création de revenus dans les régions intérieures et démunies”.
Les auteurs de ce budget semblent faire de l’humour noir en mentionnant en bonne place le scénario pour l’Etat de disposer de 400 MDT “en tant que ressources provenant de l’argent et des propriétés confisquées du président déchu et de son entourage» pour financer de nouveaux projets. Ils omettent que ces entreprises sont dès le départ des propriétés de l’Etat.
Idem pour cette décision de dernière minute du gouvernement de réduire, dans le cadre de ce budget, les avantages en nature accordés aux responsables et hauts cadres de l’Etat (bons d’essence, billets d’avion, voyages en VIP, téléphones mobiles et fixes et des voitures administratives et de fonction).
Ces sacrifices sont d’ailleurs des miettes en comparaison avec le maintien à son niveau d’antan du budget de la présidence. M. Hachemi Aleya, universitaire, écrit à ce sujet: «Ainsi, à l’heure où la “présidence de la République“ est dépouillée de quasiment tous ses pouvoirs, celle-ci, en tant que poste budgétaire, reste grassement pourvue en moyens financiers. Avec un budget de fonctionnement de 68,4 MDT, elle dispose davantage de moyens humains et matériels que le ministère du Plan et de la Coopération internationale (34,1 MDT) et le ministère du Développement régional (13,8 MDT) réunis».
La seule note positive dans ce budget, estiment certains experts, c’est qu’il aura la vie courte. Une loi de finances complémentaire, qui sera adoptée fin février 2012, pourrait, peut-être, corriger tous les dérapages.