ès de Rouen. (Photo : Kenzo Tribouillard) |
[02/01/2012 15:35:53] PETIT-COURONNE (Seine-Maritime) (AFP) Les salariés de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne, près de Rouen, se montraient lundi déterminés à ne pas “mourir en silence”, alors que les manoeuvres d’arrêt temporaire du site, faute d’alimentation en brut, venaient de commencer.
“Pour l’instant, on est gentils. On frappe avant d’entrer. Mais si les discussions ne débouchent sur rien, il n’est pas question pour nous de mourir en silence”. La voix un peu fatiguée, le délégué CGT Yvon Scornet dit sa détermination ce lundi, avant de prendre la parole aux portes de la raffinerie, comme chaque jour depuis une semaine.
Pour les salariés, l’horizon s’est brusquement assombri mardi dernier, lorsque le groupe a annoncé le gel par les banques de la ligne de crédit d’un milliard de dollars qui permettait au pétrolier suisse d’acheter du brut. Sonnés, alors que leur usine était déjà sous le coup d’un projet de plan social menaçant 120 emplois sur 550, ils n’ont pas été rassurés par l’arrêt dit “temporaire” de leur raffinerie, décidé vendredi par le groupe.
Par précaution, ils bloquent depuis près d’une semaine les expéditions d’essence, de gazole, de fuel, de bitume et d’huile sorties ces derniers jours des unités encore en marche. “Ces produits finis pourront nous servir de monnaie d’échange si les choses tournent mal”, dit Yvon Scornet.
Ils pourraient notamment être un élément de négociation si les salaires de janvier ne sont pas versés ou si la raffinerie ferme ses portes. “Qui prendra en effet le relais, si Petroplus fait faillite ?”, s’interroge Laurent Patinier, délégué CFDT.
és de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne devant leur usine, après une assemblée générale le 2 janvier 2012. (Photo : Kenzo Tribouillard) |
Parmi les 250 salariés présents, beaucoup se disent amers, en rapprochant les difficultés actuelles de la vente du site par Shell au petit raffineur indépendant Petroplus, il y a tout juste trois ans.
“Plus facile de fermer une raffinerie quand on s’appelle Petroplus”
Laurent Patinier estime que “les coïncidences sont troublantes”, tandis qu’Yvon Scornet juge qu’il est “plus facile de fermer une raffinerie quand on s’appelle Petroplus, que lorsqu’on s’appelle Shell ou Total”.
L’intersyndicale CGT-CFDT-CFE/CGC a demandé à la Commission européenne d’enquêter sur cette vente, comme elle lui a demandé d’instaurer une taxe sur les produits finis importés qui représentent, selon ses calculs, près de la moitié de la consommation française. “Il suffirait de pas grand-chose pour nous redonner de l’oxygène et compenser la concurrence déloyale venant de pays où les contraintes environnementales ne sont pas les mêmes que les nôtres”, soutient Valter Guerreiro, un opérateur qui a 34 ans de maison.
La raffinerie a été mise en service en 1929, sur une zone industrielle du port de Rouen, juste après la loi de 1928 organisant la protection de cette industrie en France. Elle a été constamment modernisée depuis, sauf au cours de la dernière période, selon les syndicats.
Selon Yvon Scornet, il faudrait 100 à 120 millions d’euros pour la remettre à niveau. Il somme l’Etat de la réquisitionner “au nom de l’intérêt national” pour la remettre à un pétrolier, français ou étranger, à condition qu’il agisse en France. “Après, si une société pétrolière azérie ou qatarie est intéressée, nous sommes preneurs”, dit-il.
En attendant, les syndicalistes font le siège des ministères, tissent des liens avec leurs homologues des autres raffineries Petroplus en Europe et appellent à la rescousse les élus locaux. Pour ces derniers, l’enjeu est aussi de taille: un emploi dans une raffinerie en génère trois autres, indirects ou induits.
Le ministre de l’Industrie Eric Besson doit rencontrer en début de semaine Jean-Paul Vettier, PDG du groupe Petroplus.