Lieberman, l’homme fort de l’AIPAC et fervent défenseur d’Israël, a été en visite en Tunisie pour la deuxième fois depuis le déclenchement du « Printemps arabe ».
Pourquoi ce soudain engouement pour la Tunisie de la part des USA? Lieberman a voulu nous rassurer sur l’aide américaine aux forces de l’ordre et à l’armée. Nos priorités ne sont-elles pas économiques? Et ce printemps arabe, dont on ne cesse de nous rabâcher les oreilles et dont le nom ne nous appartient même pas, serait-il né de la volonté des peuples de s’affranchir de régimes totalitaires ou plutôt le fait d’un complot concocté dans les centres d’études stratégiques américains et nourri par la haine et la colère de peuples opprimés pendant des décennies??
Une année après, il serait judicieux de s’arrêter sur certains faits révélateurs de ce qui est arrivé dans nos pays.
Tout d’abord, la facilité avec laquelle l’ancien président tunisien était parti pour ne plus revenir est déconcertante et a créé un précédent! Un ancien haut fonctionnaire tunisien familier des cercles diplomatiques internationaux et assez au fait des stratégies américaines, m’a déclaré, il y a peu de temps : «Je pense que les Américains ont été surpris par le fait que ce mouvement de révolte populaire ait été déclenchée en Tunisie alors qu’ils s’attendaient à ce que l’Egypte soit la pionnière des révolutions arabes, mais surtout par la rapidité avec laquelle est parti de Ben Ali, ils ne s’y attendaient pas».
Les États-Unis, d’après une dépêche AFP, datée de fin janvier 2011, avaient financé à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars des organisations de promotion de la démocratie en Égypte, ce qui avait énervé le président Hosni Moubarak. L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) aurait prévu de consacrer 66,5 millions de dollars en 2008 et 75 millions en 2009 à des programmes égyptiens sur la démocratie et la bonne gouvernance, selon une note de l’ambassade des États-Unis au Caire du 6 décembre 2007. «Le président Moubarak est profondément sceptique à l’égard du rôle des États-Unis dans la promotion de la démocratie».
«Des valises d’argent entrent en Tunisie sans que je le sache !»
Même doute de la part du président tunisien déchu, lequel, d’après des témoins qui avaient assisté à son dernier conseil des ministres, criait après Rafikh Haj Kacem, alors ministre de l’Intérieur: «Alors des valises pleines d’argent sont introduites quotidiennement au pays avec la complicité de douaniers pour financer…..*, et vous êtes là à surveiller ce que font les femmes des ministres! Fini le laisser aller! A partir d’aujourd’hui, je prends les choses en main».
Eh non, trop tard, Zine El Abidine Ben Ali n’a pas pu prendre les choses en main, puisque parti pour accompagner sa famille en Arabie Saoudite, il n’a pas pu reprendre l’avion pour rentrer. La décision aurait-elle été prise à Tunis dans le but d’éviter au pays un bain de sang? Ou par les maîtres du monde (USA) alors qu’il était en Arabie Saoudite et qu’on voyait déjà le mouvement de protestation tunisien prendre de l’ampleur et causer des typhons dans les autres pays arabes?
Il faut reconnaître que les plus fins stratèges de l’intelligencia américaine, des Think tank et centres de recherches n’ont jamais pu pénétrer l’âme arabe en profondeur, qu’elle provienne du Machrek ou du Maghreb et ce malgré tous les moyens dont ils disposent. Leurs calculs bien réfléchis semblent très souvent se heurter à la réalité des choses dans des pays partageant certaines dimensions religieuses et civilisationnelles mais tellement différents dans leurs quotidiens et leurs façons de réfléchir et de faire. Ils ont échoué au Liban, en Irak et si ce n’est la complicité de leurs alliés les plus proches qataris qui ont supplanté les Saoudiens, ils n’auraient peut être pas été aussi forts dans la région arabe.
Il est quand même étonnant de réaliser que les States et tous leurs penseurs n’arrivent pas à comprendre qu’il y a des «ARABES». Des Saoudiens, des Qataris, des Koweitiens, des Syriens, des Libanais, des Tunisiens, des Algériens qui ont peut être la même religion et parlent la même langue mais qui réfléchissent différemment et agissent de manière toute aussi différente tout comme ils sont les produits d’une histoire toute aussi différente.
Les USA s’attendaient à une révolution en Egypte estimant que tous les autres pays suivront. La Tunisie, pionnière des «révolutions arabes, les a surpris, parce qu’on ne s’attendait pas à ce que son effet soit aussi percutant dans les pays de la région et particulièrement en Libye.
Les révolutions Facebook?
Les révolutions arabes nourries par nombre de facebookers et internautes initiés aux USA et alimentées par les vidéos, les informations et les talks show d’Al Jazeera diabolisant les libres penseurs et les modernistes et angélisant les islamistes victimes à tous les coups des exactions de régimes dictatoriaux, devaient mener au renversement des régimes despotiques. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui traitent les révolutions arabes de révolutions facebooks.
Dans son ouvrage «Vérités et Mythologies du 11 septembre», Richard Labévière, ancien chef du service international de RFI, spécialiste des questions de défense et expert du monde arabo-musulman, se demande si, au moment des révolutions arabes, à trop négocier avec les Frères musulmans, les Etats-Unis ne sont pas en train de reproduire la même erreur qu’avec l’Arabie Saoudite avant le 11 septembre et qui a engendré Ben Laden.
L’auteur estime, d’après «Marianne.fr» que les «révolutions» arabes pourraient générer des contre-révolutions post-mondialisation se caractérisant par une purification ethnico-religieuse et hyper libéralisme généralisés». Le scénario idéal pour les Etats-Unis de préserver leurs intérêts pétroliers et la stabilité à long terme de la région, quitte, comme le recommandent les think tanks américains les plus influents, à faire affaire avec les Frères musulmans.
Les USA œuvrent à ressusciter les clivages ethniques et culturels pour opposer des civilisations acquises définitivement à la tolérance et à la paix. Le baromètre de la démocratie n’est pas autant les pratiques démocratiques d’un régime que le degré de sa loyauté envers l’Oncle Sam.
L’Oncle Sam, dont les deux priorités sont Israël et le pétrole, veille à maintenir des régimes islamistes dans la région arabe pour aider l’Etat hébreux à regagner le capital sympathie de l’opinion publique internationale. «Pauvre Israël, seul entouré de régimes haineux»! Quoique dans la réalité cela ne se vérifie pas. En Tunisie, Ennahdha, qui menaçait de quitter la haute instance pour la protection des objectifs de la révolution si on n’introduisait pas une clause interdisant l’établissement de relations diplomatiques avec Israël, n’en parle plus, maintenant qu’on en est à la confection de la Constitution. En Libye, des rumeurs disent qu’il y a des tractations pour l’ouverture d’une ambassade israélienne, en Egypte, l’ambassadeur israélien a repris son poste et nous ne savons pas encore ce qu’il adviendra des autres pays, une fois leur printemps achevé»….
«La révolution tunisienne représente l’éveil du monde arabe et un exemple de réalisation des aspirations des peuples», avait déclaré le sénateur américain Lieberman lors de sa rencontre avec Moncef Marzouki, président de la République par intérim. Très poétique !
Liebermann a également assuré au ministre des Affaires étrangères que le processus de transition démocratique en Tunisie ouvrira la voie à de nouvelles perspectives de coopération politique et économique entre la Tunisie et les États-Unis et à une nouvelle ère de relations bilatérales.
De quelle démocratie parle Liebermann, de celle servie aux Américains ? Israéliens ? Ou l’autre celle afghane ou irakienne?
Dans son dernier discours public prononcé à l’UTICA, le Premier ministre sortant Béji Caïd Essebsi avait tenu à préciser «qu’il n’y avait pas encore lieu de parler de printemps arabe. Il y a à peine une lueur de printemps à Tunis…reste à vérifier si elle se transformera réellement en printemps ou en automne…».
Car les véritables démocraties naissent de la volonté des peuples et de leurs espoirs d’un monde meilleur et non des complots des puissances qui gèrent le monde comme un jeu d’échecs duquel ils croient sortir toujours gagnants!
La Tunisie est et sera différente parce qu’elle a enfanté un poète appelé Abou Al Kacem El Chabbi qui a cru en un seul pouvoir, celui du peuple à changer son destin ! Que ceux qui crient victoire trop vite tempèrent leur enthousiasme car nous ne savons pas encore de quoi demain sera fait.