Ex-fleuron de l’industrie américaine, Kodak se rapproche de la faillite

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Des pellicule argentique de la marque Kodak (Photo : Gerard Julien)

[05/01/2012 18:17:04] NEW YORK (AFP) L’avenir s’assombrit chaque jour davantage pour Kodak, icône de l’histoire de la photographie et ancien fleuron du capitalisme américain, dont une faillite imminente est désormais évoquée.

La société plus que centenaire, basée à Rochester, dans le nord de l’Etat de New York, ne cesse de décliner depuis qu’elle raté le train du numérique au tournant du millénaire.

Mercredi soir, le Wall Street Journal a affirmé qu’Eastman Kodak, qui emploie encore 19.000 personnes, se préparait à se placer sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites d’ici à début février, précipitant son effondrement boursier.

L’action, après un plongeon de près de 30% mercredi, chutait encore de 6,15% jeudi vers 17H30 GMT, à 44 cents. Cela valorise l’entreprise à moins de 120 millions de dollars, contre plus de 30 milliards quand elle a été retirée du prestigieux indice Dow Jones en 2004, après plus de 70 ans dans le club très fermé des 30 valeurs vedettes américaines.

Kodak est même depuis mardi menacé d’expulsion de Wall Street par l’opérateur de la Bourse de New York, le New York Stock Exchange, qui lui a donné six mois pour redresser le cours de son titre. Mais son histoire boursière pourrait s’achever encore plus tôt en cas de dépôt de bilan précipité.

“C’est un cas tragique d’une compagnie qui n’a pas pris le virage technologique quand elle aurait pu”, soupire Gregori Volokhine, responsable du département actions de la maison de Bourse Meeschaert Capital Markets. “C’est eux qui ont inventé la photo numérique, mais ils n’y croyaient pas”.

Kodak avait lancé en 1975 ce qu’il présente comme le premier appareil photo numérique, un boîtier noir et blanc de la taille d’un grille-pains. Mais lorsque le numérique a explosé, le fabricant des légendaires pellicules Kodachrome s’est laissé devancer par ses concurrents, notamment asiatiques.

Ce n’est pas la première fois que l’hypothèse du dépôt de bilan est évoquée par la presse. Mais lorsque l’idée avait circulé fin septembre, le groupe avait assuré n’avoir “aucune intention” de le faire, tout en reconnaissant avoir engagé le cabinet d’avocats Jones Day pour lui apporter des conseils sur une possible restructuration.

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érique Kodak présenté à Pékin, le 27 mai 2003 (Photo : Peter Parks)

Cette fois, il s’est borné à déclarer au Wall Street Journal qu’il ne commentait pas “les rumeurs de marché ou les spéculations”. Il n’a pas donné suite aux questions de l’AFP.

Faute d’avoir enregistré de profits depuis 2008, Kodak se trouve à court de liquidités. Il a clairement indiqué ces derniers mois qu’il comptait sur la vente de son portefeuille de plus de 1.000 brevets d’imagerie pour survivre.

“Mais quand on est un vendeur désespéré, les acheteurs n’ont aucun intérêt à se précipiter parce que ce sera moins cher le jour où Kodak sera complètement au tapis”, explique Gregori Volokhine, interrogé par l’AFP.

Selon le scénario décrit par le Wall Street Journal, qui cite des sources proches du dossier, le fabricant cherche toujours à vendre sa propriété intellectuelle, mais faute de succès immédiat, il pourrait choisir de réaliser l’opération sous la supervision d’un tribunal des faillites, ce qui lui permettrait au passage de se débarrasser d’une partie de sa dette.

Pour Douglas McIntyre, du site financier 247WallSt.com, un dépôt de bilan rapide fait peu de doute, parce que Kodak “dispose de trop peu de liquidités pour fonctionner” et que vu son effondrement boursier, “il est presque impossible” de lever des fonds via une augmentation de capital.

“Le problème de la faillite, c’est que cela n’augmente pas la valeur des brevets de Kodak. S’ils valaient très cher, Kodak en aurait déjà obtenu” un bon prix, a estimé l’analyste.

Au-delà du dépôt de bilan, c’est donc la survie même de l’entreprise qui suscite des doutes.

“Quand une société commence à vendre sa propriété intellectuelle, (…), on sait que la fin est proche”, relevait jeudi le Wall Street Journal.