On peut constater que la Tunisie a accordé, depuis les années 1970, une importance particulière au développement de l’investissement à travers des incitations financières et fiscales. Les mesures et mécanismes mis en place n’ont cessé d’évoluer.
A ce titre, le Code d’incitations aux investissements promulgué en 1993 a mis en place un cadre visant à encourager la création d’entreprises et des projets dans tous les secteurs d’activités, à l’exception des mines, de l’énergie, du commerce intérieur et du secteur financier qui sont régis par des textes spécifiques. Il s’adresse à tous les investisseurs, qu’ils soient tunisiens ou étrangers, résidents ou non résidents. Le code s’est fixé comme objectif la promotion des exportations, l’intégration sectorielle, l’emploi et l’équilibre régional.
Les avantages du Code d’incitations aux investissements sont accordés essentiellement sous forme d’incitations fiscales et financières. A titre d’exemple, le Code prévoit de nombreuses incitations sous forme d’exonérations fiscales, de primes à l’investissement, de prise en charge de frais d’infrastructure ou encore des cotisations patronales au régime de sécurité sociale.
En outre, le Code accorde des avantages pour les investissements réalisés dans les zones d’encouragement au développement régional. Ainsi, de 1994 à 2007, les incitations fiscales ont représenté 80% du total des incitations pour une moyenne de 500 MDT par an, et près du quart des incitations financières ont été allouées au titre du développement régional.
L’évaluation du système d’incitation aux investissements tunisien, telle qu’elle a été réalisée par l’IACE (2011) et le ministère du Développement régional (Livre Blanc, 2011), laisse apparaître un système relativement simple. En effet, sa dimension fiscale se base principalement sur quatre types d’impôts: impôts sur les sociétés, impôt sur le revenu des personnes physiques, TVA et tarifs douaniers. Cette simplicité n’est qu’apparente dans la mesure où chacun des quatre impôts cités précédemment se réfère dans son application à plusieurs régimes (taux différenciés, multiples et diverses assiettes …), ce qui rend le système plus complexe et difficile à gérer. Toujours d’après les deux rapports, en dehors de ces caractéristiques d’ordre structurel, le système d’incitation comprend certaines faiblesses malgré les modifications introduites (dont le nombre a dépassé la centaine).
Ces faiblesses sont principalement liées à la redondance de certains instruments, au manque de neutralité du système fiscal sur les décisions d’investissement et à l’allocation des ressources, à la possibilité du double emploi due au fait que plusieurs mécanismes publics de soutien à l’entreprise ont été développés parallèlement à ce code (principalement le Programme de mise à niveau et dans une moindre mesure le Programme 21-21).
Les deux rapports constatent qu’au niveau de sa gestion, le Code se caractérise par une lourdeur administrative et nécessite des ressources humaines et financières disproportionnées, ce qui engendre un coût relativement élevé en termes de gestion des obligations fiscales pour les entreprises et en termes de recouvrement pour l’administration.
En fait, cette complexité a entraîné une élimination des petites et moyennes entreprises dans l’octroi de ces avantages au profit des grandes entreprises qui disposent plus de ressources humaines qualifiées et d’un service dédié à cette activité. Des enquêtes menées auprès de plusieurs entreprises montrent que la plus grande partie des avantages est accaparée par une minorité de grandes entreprises. D’ailleurs, ce constat est vrai pour la collecte de la taxe à la formation professionnelle (TFP).
Sur un autre plan, et toujours selon les deux rapports, conformément aux orientations générales de la politique économique tunisienne, adoptée durant les dernières années, le Code d’incitations aux investissements accorde une place privilégiée aux entreprises exportatrices (totalement ou partiellement), indépendamment de l’effort des investisseurs en matière de création de nouveaux postes d’emploi et/ou de développement régional.
En outre, ce code interdit aux entreprises étrangères d’amener plus de quatre employés. Cette restriction réduit l’attractivité de la Tunisie surtout dans des activités intensives en capital humain, engendrant un manque à gagner en termes d’entreprises et d’emploi.
Enfin, il est à signaler que le système actuel concerne un grand nombre d’activités et comporte de nombreuses dérogations et mesures spécifiques. Ceci engendre, pour le budget de l’Etat tunisien, une charge financière et un manque à gagner importants.
Mais on peut dire que, malgré toutes ces imperfections, la mise en place du Code d’incitations aux investissements et la signature de l’Accord de libre-échange avec l’Union européenne ont permis une forte augmentation des flux d’entrées d’investissements étrangers (IDE).
Ainsi, les flux d’IDE en Tunisie ont connu une forte progression, passant de 272,5 millions de dinars en 1996 à 2.265,7 millions de dinars en 2010, soit environ une multiplication par quatorze. Si la majeure partie de ces flux était concentrée dans le secteur énergétique, il s’avère que depuis 1996 le secteur manufacturier est devenu aussi attractif. Les flux destinés à ce secteur sont passés de 49,5 millions de dinars en 1996 à 573,6 millions de dinars en 2010, soit une multiplication par onze.
D’après le Livre Blanc du ministère de Développement régional, l’analyse spatiale de la répartition de ces flux montre que la majeure partie est concentrée dans les régions du littoral, et qu’une part minoritaire est destinée aux régions de l’intérieur du pays. A titre d’exemple, à la fin de l’année 2010, le nombre d’entreprises étrangères installées dans les régions du Centre-ouest, du Nord-ouest et du Sud ne représente que 8% du total des entreprises étrangères opérant en Tunisie. Ce même constat est aussi valable en ce qui concerne le nombre d’emplois créés qui reste trop faible dans les régions dites de l’intérieur.
Ceci confirme l’existence d’un problème d’attractivité du côté de ces régions, malgré les incitations fiscales et financières proposées dans le cadre du Code d’incitations aux investissements.