Génocide arménien : les hackers turcs menacent la France de représailles

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çaise de nationalistes turcs devant le consulat de France à Istanbul le 25 décembre 2011 (Photo : Bulent Kilic)

[06/01/2012 15:23:54] ISTANBUL (AFP) Depuis le vote en décembre par les députés français d’une proposition de loi réprimant la négation du génocide arménien, de nombreux sites internet français ont été piratés. Les auteurs de ces attaques, des hackers turcs, menacent de nouvelles représailles avant le vote du texte par le Sénat.

“AyYildiz n’a rien contre le peuple français. Mais si ça continue, il y aura des attaques beaucoup plus sérieuses, de la part de tous les groupes”, affirme Ishak Telli.

AyYildiz – “le croissant et l’étoile”, symboles figurant sur le drapeau turc -, est un groupe de hackers dévoués à la lutte contre les atteintes aux valeurs de la Turquie, même s’ils rejettent l’appellation “nationaliste”, et Ishak Telli, auteur d’un ouvrage sur leur histoire, est leur porte-parole officieux.

“Dans le hacking, il n’y a pas de limites, les dommages peuvent atteindre des millions de dollars, vous pouvez fermer des sites de commerce en ligne, de banques. Vous pouvez neutraliser des sites de l’Etat (…) Et l’équipe des Ayyildiz a cette capacité”, prévient Ishak, soulignant que le groupe a déjà attaqué des sites français.

Des dizaines de sites ont déjà fait les frais de la colère des hackers turcs, à commencer par celui de la députée Valérie Boyer, à l’origine de la proposition de loi votée le 22 décembre par l’Assemblée nationale française, qui punit d’un an de prison et d’une amende la contestation des génocides reconnus par la loi.

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écran, du 26 décembre 2011, du site de la députée français Valérie Boyer, piraté par des hackers turcs

Le texte, qui doit passer d’ici la fin janvier devant les sénateurs, ne désigne pas spécifiquement le génocide arménien, mais celui-ci est le seul à être reconnu sans que sa négation soit déjà réprimée par une loi spécifique.

La Turquie réfute ce terme de génocide même si elle reconnaît que des massacres ont été commis et que quelque 500.000 Arméniens ont péri en Anatolie entre 1915 et 1917 –les Arméniens évoquent 1,5 million de morts. Elle a rappelé son ambassadeur en France pour consultations et menacé de mesures de rétorsion.

Pour les Akincilar, un autre groupe de hackers turcs, reprenant le nom d’une unité d’irréguliers de l’armée ottomane, et auteurs d’attaques notamment contre les sites internet de Mme Boyer et du député d’origine arménienne Patrick Devedjian, les députés français feraient mieux “d’étudier l’histoire ottomane”. Des membres de ce groupe s’étaient également attaqués début novembre au site de l’hebdomadaire français Charlie Hebdo.

“Notre objectif est d’exposer l’extravagance manifestée par la France lorsqu’elle légifère dans son propre Parlement sur les affaires d’autres pays”, affirme le groupe dans une vidéo transmise à l’AFP.

Aux yeux de ces hackers, pirater un site internet qui “attaque les croyances et valeurs morales” turques n’a rien d’un crime.

“Nous exprimons dans le cybermonde notre réaction démocratique à la France en disposant des messages sur les pages d’accueil qui n’affectent pas le contenu des sites”, déclarent-ils.

Le piratage informatique est pourtant bien passible en Turquie de peines de prison.

Mais les hackers nationalistes jouissent d’une certaine impunité, estime Özgur Uçkan, spécialiste des nouveaux médias à l’université stambouliote de Bilgi.

“Ce type de hacking n’est pas vraiment réprimé. En revanche s’ils attaquent des sites de l’Etat turc, la police fera ce qui est en son pouvoir (pour les arrêter). Il y a une sorte de deux poids deux mesures”, affirme l’universitaire.

Celui-ci appelle toutefois à relativiser l’importance de ces groupes, “40 à 50 personnes tout au plus”, qui ne commettent le plus souvent que “des attaques très banales”.