L’actualité nous rapporte qu’un citoyen de Gafsa, père de trois enfants, vient de s’immoler par le feu ‘‘pour protester contre sa situation de chômeur’’, un acte suivi de troubles dans la région ayant nécessité l’intervention des forces de l’ordre usant de gaz lacrymogènes.
Il est vrai qu’après la mort de Mohamed Bouazizi, le 5 janvier 2011, il y eut trois autres cas de suicide avec le même procédé. Ce qui, aujourd’hui, avec le suicidaire de Gafsa, nous amène à nous demander si cela vaut vraiment la peine de mettre un terme à sa vie juste pour attirer l’attention sur son cas désespéré.
Sans aller jusqu’à mettre au premier plan la religion musulmane pour apprécier la portée du suicide (un péché ou non), il est néanmoins utile de se demander si le suicide constitue, aujourd’hui même, c’est-à-dire une année après la Révolution, un acte héroïque ou non, et si le suicidaire est un martyr ou non.
Essayer de répondre à la question nous oblige à revenir sur le suicide de Mohamed Bouazizi pour nous poser d’autres questions: savait-il qu’il allait mourir de ses brûlures? Avait-il, alors, agi vraiment dans l’intention de se suicider? Etait-il vraiment certain que sa mort pousserait à la révolution et jusqu’à la fuite du président déchu? Et, surtout, s’était-il sacrifié vraiment pour la Tunisie?
Ces questions sont éminemment délicates, car nous sommes en présence d’une mémoire, celle d’un jeune homme dont l’acte désespéré, réfléchi ou pas, a réellement mené jusqu’à la Révolution, et parce qu’aujourd’hui nous ne pouvons que respecter cette mémoire en priant le Tout-Haut de lui pardonner son égarement.
Or, actuellement, il ne saurait plus y avoir un deuxième Bouazizi. Aujourd’hui, tout acte similaire, même s’il est déplorable et excite la pitié, est tout simplement inutile et insensé. Le suicide de Bouazizi était l’expression d’une injustice qui a fini par renverser un régime dictatorial. Mais que veut-on renverser aujourd’hui? A qui veut-on porter la responsabilité du chômage? A l’actuel gouvernement? C’est illogique. Car il ne fait qu’arriver au pouvoir, il n’a pas encore les moyens de régler tous les problèmes accumulés durant plus de vingt ans. Il est tout le temps, depuis deux mois, dit et redit sur l’ensemble des médias que l’emploi est la toute première priorité du gouvernement Jebali. Et alors? C’est dans ce laps de temps qu’il va pouvoir tout régler?
Il est plus que certain que le chômage pose un gros problème à l’individu, et surtout s’il est marié avec enfants. Sauf que dans l’état actuel des choses, nous n’avons, malheureusement, qu’un seul choix possible: prendre notre mal en patience en attendant des jours meilleurs. Mais se suicider pour endeuiller sa famille inutilement ne sert vraiment à rien. Entre deux maux, mieux vaut s’accommoder du moindre. Ne compliquons pas davantage une situation déjà bien compliquée en soi.