La Tunisie a connu certainement une croissance économique appréciable. Mais ces
performances auraient pu être meilleure, elles n’ont pas non plus servi à toutes
les catégories de la population. Au contraire, des déséquilibres ont été
persistants.
Le graphique 3 montre que la croissance
économique en Tunisie a permis
d’augmenter le PIB par habitant. Mais on notera comment l’évolution du
PIB par
habitant (à prix constants et en parité de pouvoir d’achat) a évolué moins en
deçà de la tendance observée par un échantillon de pays. Cela montre qu’il y
avait des opportunités non exploitées. D’ailleurs, le graphique 4 indique de son
côté que le PIB par employé, a lui aussi augmenté, mais à un rythme moins élevé
que ce qui est observé pour la tendance d’autres pays en transition. Ce qui
dénote d’une évolution de la productivité moins satisfaisante que pour ces pays.
Ces limites de la performance économiques sont visibles aussi au niveau du tissu
des entreprises privées. Le nombre d’entreprises privées s’élève en Tunisie,
selon les données de l’INS de 2010, à près de 600.000 mais dont seulement 0,6%,
soit moins de 3.500 sont de taille moyenne ou grande, avec 50 salariés et plus
chacune. La plupart des entreprises sont positionnées dans des activités
maintenant classiques, plutôt en déclin à l’échelle du commerce international,
tels que le textile-habillement, la métallurgie, etc. L’apport de ces branches à
l’économie tunisienne est incontestable. Mais une mise à jour de ce
positionnement aurait été nécessaire pour avoir les performances des pays
comparables. Par exemple, pour les activités classiques, les rendements auraient
pu être bien meilleurs.
De même, un certain nombre de nouvelles activités, dans les services, ciblant
l’off shore, n’est pas encore suffisamment pénétré par les entreprises
tunisiennes alors que des pays similaires sont déjà avancés dans ce domaine (Cf.
graphique 5).
Le schéma de croissance suivie jusqu’ici a fini par faire accumuler les
déséquilibres, en particulier pour ce qui est de l’emploi des diplômés et pour
le développement régional.
Au niveau de l’emploi des diplômés, certains considèrent que le problème vient
du nombre d’étudiants. En réalité (Cf. graphique 6), le niveau d’instruction, à
l’échelle du tertiaire, n’est pas spécialement élevé par rapport à d’autres
pays. Evidemment, il s’agit de pays plus développés que la Tunisie dans certains
cas, mais c’est justement là une raison de plus pour s’y comparer et de chercher
à en faire autant. Le taux de chômage dans ces pays à fort taux d’instruction
supérieur de la population active est pourtant moins élevé qu’en Tunisie.
Pour ce qui est du déséquilibre régional, il suffit de citer quelques données
sur l’implantation régionale des entreprises privées comparativement à la part
de la population par région. Le Centre-ouest, d’où est partie la révolution, est
la résidence de 13,3% de la population tunisienne. Il n’y a que 7,7% des
entreprises privées, avec une part d’entreprises de taille moyenne et élevée
moins importante que la moyenne nationale. La couverture par le tissu productif
privé y est aussi bien biaisée au détriment des autres régions de l’intérieur et
du Nord.
L’entreprise privée ne peut être considérée comme responsable de cette
situation. En revanche, elle peut jouer un rôle, si certaines conditions sont
réunies, pour traiter ce déséquilibre. Il faut, avant d’indiquer ces conditions,
comprendre pourquoi la croissance avait ces limites.
On doit ajouter aussi qu’à la lumière de l’évolution comparée du revenu par
habitant, d’une part, et du niveau du salaire minimum garanti (SMIG et SMAG),
d’autre part, la situation des plus démunies ne s’est pas améliorée autant que
les plus nantis. De 1998 à 2008, le
SMIG et le SMAG ont augmenté chacun de 50%
alors que le revenu par habitant a été multiplié pratiquement par 2.
C’est pour dire que les déséquilibres au niveau de l’emploi des diplômés et des
régions intérieures se sont fait plus ressentir chez les ménages les moins dotés
en ressources.
Article à suivre : Quelques explications des sources des limites de l’ancien
schéma de croissance
*Enquête IACE, novembre 2011