OPINION Tunisie : Marzouki à Kasserine… Non à la rébellion contre les symboles de l’Etat?

Le président provisoire,
Moncef Marzouki, en visite dans le gouvernorat de
Kasserine pour rendre hommage aux «martyrs» de la révolution, a été hué et
empêché de terminer un discours par des jeunes chômeurs. Retour sur un «dégage»
qui dérange!

Selon Mosaïque Fm, Marzouki a été accueilli à son arrivée au gouvernorat par un
groupe de jeunes qui réclamaient du travail et qui criaient: «Marzouki Dégage!».
Moncef Marzouki effectuait une visite à Thala pour rendre hommage aux martyrs de
la révolution dont la Tunisie s’apprête à fêter le premier anniversaire le 14
janvier. Au-delà de savoir qui et quand allons-nous décider d’une date
commémorative entre le 17 décembre et le 14 janvier, il serait temps de penser à
fêter la révolution. Pour le moment, c’est à Marzouki qu’on fait la fête!

Le président, depuis les fêtes de fin d’année, se ramasse des critiques
virulentes dans les médias nationaux et internationaux en réponse aux bourdes
qu’il a commises en moins d’une semaine. De quoi vraiment saper le moral d’un
militant qui ne s’est pas trompé de combat mais dont il gère si mal la sortie ou
plutôt l’entrée. Le passage du militantisme à l’exercice du pouvoir ne semble
pas réussir au président provisoire qui va vite devoir se ressaisir afin de
rétablir au plus vite son image qui se ternit et celle de la Tunisie qui en
pâtit.

L’homme a la charge d’un Etat et ne semble pas encore se rendre compte qu’il
n’est plus un simple opposant. Après avoir frôlé l’incident diplomatique avec
l’Algérie où il va se rendre prochainement, Marzouki a-t-il mis un peu d’eau
dans son vin? Difficile à savoir la réponse. Sauf que, ses déclarations se font
depuis plus rares malgré une semaine écoulée riche en évènements et visites
officielles. La cote du président a-t-elle seulement baissé au point de lui
rapporter un «dégage»? Un mot lourd de sens pour les Tunisiens. Et pour cause!

Pourtant, selon un sondage réalisé par Sigma-Le Maghreb au en décembre dernier,
le président arrivait largement en tête des personnalités à qui on fait le plus
confiance en Tunisie, avec 46,93% des réponses, suivi de très loin par Hamadi
Jebali avec seulement 8,3% et Rached Ghannouchi 6,56%. Selon ce même sondage,
Moncef Marzouki arrive largement en tête des personnalités politiques de l’année
avec 85,74%, suivi par Béji Caïd Essebsi (52,30%) et Hamadi Jebali (42,02%). Au
vu de l’actualité, on serait tenté de voir l’impact de ces faux pas si le
sondage venait à être refait aujourd’hui. Quel serait l’indice de confiance de
Marzouki après ce début d’année houleux?

Ceux qui le connaissent savent que, enfant, Marzouki « rêvait de voler, d’aller
très haut dans les cieux». S’est-il seulement déjà brûlé les ailes? Nombreux
sont ceux qui énumèrent ses qualités et parlent d’un homme intègre et
fondamentalement attaché aux libertés individuelles. Un homme d’honneur et de
principes, et le fait qu’il soit dégagé de la sorte est une grande offense à
l’Etat. L’Atugéeen Dali Mankai explique: «Cette rébellion est très dangereuse
contre les symboles de l’Etat. On a raillé Béji Caïd Essebsi quand il a parlé de
«Haybat Addawla», en voici les conséquences. Aujourd’hui, c’est Marzouki, demain
ça sera son successeur. Il ne faut jamais se féliciter quand les institutions de
l’Etat sont touchées».

Bien vu. «Mais à vouloir changer trop rapidement de ton et de temps, à traiter
les Tunisiennes de “safirat“, en attaquant les us et coutumes des Tunisiens, le
“dégage attitude“ de Kasserine finit par être apprécié dans presque tous les
milieux et par beaucoup de citoyens…», répond Esma B, étudiante à HEC.

Reste à savoir si ce “dégage attitude“ est un fait divers ou de la manipulation
comme le laissent entendre des militants du CPR. Et si finalement la question
qui dérange est de savoir si Marzouki n’est pas victime de ses relations avec
Ennahdha?

Pour Esma, cela ne fait aucun doute: «Il est victime de sa détermination à
devenir trop vite président et coûte que coûte. Comment un homme de sa trempe
accepte-t-il d’être aux commandes alors que les manettes sont entre les mains d’Ennahdha?
Comment réussira-t-il à faire le consensus? Comment parviendra-t-il à être le
garant des institutions et des libertés d’une nouvelle Tunisie? Il y a ainsi des
alliances contre nature qui ne pardonnent pas!»

Une opinion qui pousse à la réflexion au vu de la prochaine étape. Une étape
cruciale pour la Tunisie que Marzouki, avec des prérogatives si imitées, ne peut
grand-chose. C’est sans compter avec la dimension fougueuse et rebelle de Moncef
Marzouki.

Affaire à suivre !