Le programme économique du FN : un big bang aux conséquences incalculables

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érence de presse le 12 janvier 2012 à Nanterre (Photo : Joel Saget)

[12/01/2012 18:37:35] NANTERRE (AFP) Le Front national promet un retour à l’équilibre budgétaire en 2018 mais la sortie de l’euro et la “déconstruction” de l’Europe de Bruxelles, qui sont au coeur de son projet, s’apparentent à un “big bang” politico-économique aux conséquences incalculables, selon les experts.

“Toute discussion sur le chiffrage des mesures est balayée par cette sortie de l’euro qui nous amènerait à changer complètement de logiciel et dont on ignore ce qu’elle coûterait, à la centaine de milliards près”, souligne Eric Heyer, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Lors d’une conférence de presse fleuve jeudi, Marine Le Pen, a détaillé poste par poste et à l’euro près son “plan de vigueur” pour l’économie française.

“Ce serait une révolution nationale qu’il serait déraisonnable de vouloir quantifier”, oppose Eric Heyer.

Un exemple: la présidente du FN a fait l’hypothèse d’une dépréciation de 9,4% du franc français ressuscité qui se traduirait, selon elle, par un renchérissement de 107 milliards d’euros du montant de la dette publique due aux créanciers étrangers sur 7 ans.

“Il y a de bonne chances que la dévaluation atteigne plutôt 30 à 40%” avec des conséquences démultipliées sur la dette, souligne cependant l’économiste.

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érence de presse le 12 janvier 2012 à Nanterre (Photo : Joel Saget)

Idem pour la “monétisation de la dette publique” qui verrait la Banque de France faire marcher la planche à billets et se substituer aux marchés pour prêter à l’Etat à hauteur de 100 milliards d’euros par an, selon le programme du FN. “Ca créerait beaucoup d’inflation avec, du coup, une baisse du pouvoir d’achat et de la compétitivité et des taux d’intérêt extrêmement élevés sur la dette”, prévient-il.

Eric Heyer s’interroge aussi sur l’une des mesures phare du programme de la candidate frontiste: la réduction de 40,8 milliards au cours du quinquennat de la “mauvaise dépense” liée à l’immigration.

“Si l’on revient au plein emploi, il faudra augmenter la population active ce qui passera par l’immigration”, souligne l’économiste, notant que “les immigrés ne sont pas réductibles à un coût et paient aussi des impôts” tandis que les prestations sociales qu’ils perçoivent “sont réinjectées dans l’économie”.

Les théories économiques de son confrère Jacques Sapir, chantre de la démondialisation, proche du Front de gauche et plutôt favorable à une sortie de l’euro, sont souvent appelées à la rescousse par Marine Le Pen.

Mais il n’en estime pas moins lui aussi que “toutes les personnes un peu sérieuses tablent sur une dévaluation de 20 à 25%” en cas de retour au franc.

Pour lui, le programme du FN provoquerait “une sorte de big bang qu’il devrait assumer beaucoup plus clairement en organisant son programme économique autour de la sortie de l’euro et peut-être aussi de l’UE”.

Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), il estime que les mesures visant les immigrés “fragiliseraient une population qui est là pour s’intégrer”.

Quant aux bénéfices supposés de la lutte contre les fraudes fiscales et sociales, censée rapporter quelque 11 milliards d’euros par an en moyenne selon le FN, ils le laisse plutôt dubitatif: “Il serait peut-être possible de rentrer 6 à 8 milliards dans les caisses, 12, c’est délirant”.

L’Institut de l’entreprise, un “think tank” proche du patronat, a fait ses comptes. A titre d’exemple, l’exonération de charges salariales de 200 euros jusqu’à 1,4 fois Smic coûterait entre 19,2 et 20,4 milliards d’euros, selon lui. Quant à son financement par une taxe de 3% sur les importations, il serait insuffisant et supposerait “la sortie du système européen”.