Avec la France, la Tunisie a toujours cherché à développer une alliance forte. Cette énergie positive a servi à décoloniser les échanges entre les deux pays et, enfin, à engager un partenariat gagnant-gagnant.
Dommage que Florence Parisot n’ait pas accompagné Alain Juppé, lors de sa récente visite en Tunisie. A peu de choses près, les propos du ministre des Affaires étrangères coïncident avec ceux tenus par la présidente du Medef lors d’un déplacement, qu’elle a effectué, quatre ans plus tôt. Laurence Parisot s’inquiétait de ce que les fonds souverains du Golfe et l’offensive commerciale chinoise enlèvent à la France sa place de choix dans les relations économiques avec la Tunisie. Elle paniquait à l’idée que la Tunisie, voulant diversifier ses échanges et étendre son aire d’intérêt économique «n’échappe» à la France. Les mêmes craintes persistent chez Alain Juppé, qui voit d’autres offensives financières et commerciales internationales, de même nature, plus encore aujourd’hui qui tentent de ravir à la France son classement de choix.
De tous les pays partenaires, la France seule, par ses engagements d’investissements et par ses avancées en coopération, a su prendre de la hauteur et élever la Tunisie au rang de “statut de partenaire stratégique“ au-dessus du lot. Le ministre des Affaires étrangères l’a dit en substance, et dès son émancipation, la Tunisie a sensibilisé la France à l’intérêt de sceller un tandem synchronisé très en pointe pour sceller une alliance qui résiste au temps. Quand Alain Juppé soutient que la «France doit mériter sa place en Tunisie», n’est-ce pas que la France nous envoie un signal fort pour dire que la France accède à la volonté de la Tunisie et qu’elle est décidée à jouer le jeu?
L’émancipation des échanges économiques
L’approfondissement des échanges économiques avec la France était une revendication tunisienne. L’encre du protocole d’autonomie interne n’avait encore séché que la Tunisie a exprimé le vœu de «développer une coopération économique forte». La France, non encore remise de la décomposition de son empire colonial, nous a longtemps tourné le dos et figeait ses échanges avec la Tunisie au carcan des importations de maltaises, de vin et d’huile d’olive. Mais la Tunisie a toujours observé un principe invarié avec la France: «prends et revendique».
En plaidant avec persévérance, pour une intégration économique avancée, nous sommes parvenus à infléchir définitivement notre coopération avec ce pays que nous regardons comme le compagnon de route idéal, tant dans notre transition économique, que pour notre transition démocratique. De tous les pays, à économie avancée, avec lesquels nous sommes en relation, nos échanges avec la France sont excédentaires et la France continue à soutenir cette tendance. On peut examiner dans le tableau ci-joint que le solde positif de notre commerce extérieur avec la France est à notre avantage depuis cinq ans au moins.
Chiffres en millions de dinars, source INS
L’avantage est que le solde régulier, à notre avantage, vient d’exportations qui ont complètement changé de nature. Ce ne sont plus les maltaises de Tunisie qui font la différence mais les IME et les IT. N’oublions pas l’engagement de la France, au-delà des seuls chiffres, à pousser la Tunisie sur le devant de la scène, comme pour la présidence de l’UPM (Union pour la Méditerranée que nous avons si naïvement snobée.
A l’Institut méditerranéen du développement (IPMED), où Alain Juppé siège au conseil, c’est Radhi Meddeb, au demeurant X-Paris, qui est DG. La voix de la Tunisie a été activement appuyée par la France, au sein du Med partenariat. Et pile après la révolution, n’oublions pas que Christine Lagarde, alors ministre des Finances, et Laurent Vauquiez, ministre du Budget, nous ont promis le plein soutien de la France pour notre démarche d’obtention du Statut de partenaire privilégié auprès de l’UE. Cet enthousiasme s’est encore manifesté lors du G8 à Deauville, où le lobbying a donné l’impact que l’on connaît au plan Jasmin.
Gagnant, gagnant, le partenaire idéal
Nos rapports avec la France ont régulièrement été secoués par des accès de hoquets, passagers. Il y a eu les difficultés des transferts des avoirs des anciens colons, perçu comme geste de mauvaise volonté de la part de la Tunisie. Nous tiquons de notre part aux clauses de verrouillage de l’immigration. Mais ce ne sont que des épisodes que nous avons su surmonter.
Et après avoir décolonisé les échanges économiques, nous avons bien décomplexé les rapports politiques. La France a bien accueilli les positions de la Tunisie en matière de relations internationales. Notre approche du conflit palestinien en est bien l’illustration. D’avoir placé le problème dans un contexte de légalité internationale et non de conflit confessionnel a été l’un des facteurs qui a permis de «décontaminer» le dossier et de faire en sorte que la France appuie l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO, alors que l’UE hésitait. Bien des contingences ont secoué l’attelage Tunisie-France, sans jamais le rompre.
Les positions publiques de MAM en pleine effervescence révolutionnaire tunisienne sont à regarder comme des contrariétés épisodiques. L’accessoire ne doit pas occulter le principal, une coopération quasi fusionnelle.
Par conséquent, le souci d’un partenariat gagnant-gagnant, exprimé par Alain Juppé, devient un objectif commun.