Sommes-nous en présence de la transition démocratique parfaite, idéale, rêvée?, s’interrogeait Me Slim Lejri dans un article publié récemment. En fait, la question à poser serait plutôt, avons-nous été les artisans d’une révolution ou plutôt doublement les victimes d’un régime dictatorial et corrompu et d’un complot instrumenté par des stratèges à l’intérieur et à l’extérieur du pays visant à changer le régime en place pour répondre à des agendas qui ne sont pas les nôtres?
Le renversement du régime Ben Ali était-il le fait d’une «révolution»? Ou plutôt celui d’une série d’émeutes qui ont mis fin à un règne sans partage durant lequel la machine de l’Etat a été gangrené par les passe-droits, les malversations et l’asservissement du peuple?
Beaucoup pensent, y compris le général Ali Sériati, connu pour son franc parlé, à tel point que certains ministres pensaient qu’ils les provoquaient pour sonder leurs profondes pensées, estimaient que l’ère Sakhr El Materi a signé la fin du régime Ben Ali. Tant ce jeune homme était vorace, maladivement ambitieux et dénué de toute moralité. Sa morale (qui n’en était pas une…) était celle qu’il voulait bien vendre à travers sa radio et ses prétendus œuvres sociales ou une pseudo-piété dont il usait pour redorer son image et dissimuler sa folie de l’argent et du pouvoir. Un jeune homme qui manigançait à Londres avec des alliés potentiels et préparait sa prise du pouvoir pour 2019.
La Tunisie, pendant ce temps, souffrait et ses enfants désespérés la désertaient au péril de leur vie sur des embarcations de fortune en direction de l’Italie, d’autres mourraient à feux doux de désespoir et désillusions.
Ces jeunes, lesquels se voyant tirés comme des lièvres depuis le déclenchement du mouvement de protestation le 17 décembre, ont décidé de l’arrêt de mort du régime Ben Ali. Ce faisant, ils ne savaient pas que les araignées avaient déjà tissé leur toile autour de l’ancien président, qu’il avait déjà été lâché par ses associés d’hier et que le compte à rebours avait commencé pour lui bien avant le 17 décembre.
Un complot avorté par un concours de circonstances
Samir Tarhouni et Sami Sikh Salem avaient renversé toutes les donnes en prenant de leur propre initiative les choses en main (Voir article …).
Tout au long des mois de janvier et de février 2011, différentes thèses et explications ont été données à ce qui s’est passé en Tunisie. Une interview donnée récemment par Aziz Salmone Fall à notre confrère du journal Le Temps expliquait même que pour les teneurs de l’ordre mondial, «Révolution dans le monde arabe ne doit pas aboutir à des régimes démocratiques… il faut maintenir des systèmes rétrogrades… des régimes qui acceptent la subordination à l’ordre mondial»…
Qui a œuvré à ce que les mouvements de protestations généralisés, pour ne prendre que l’exemple tunisien mais que nous pouvons étendre aux autres pays touchés par la «Révolution», aboutissent à de tels résultats électoraux et quel est le poids des USA via un enfant chéri comme le Qatar dans la manipulation de l’opinion publique tunisienne et dans la fabrication de tissus de mensonges, de campagnes d’intox, lesquelles ont bouleversé les donnes post-départ de Ben Ali?
Dans un communiqué rendu public, au mois de février, des hauts responsables auraient été accusés d’avoir été enrôlés par les Américains pour servir leurs propres desseins dans la région. «Il y avait une équipe qui se préparait à prendre le pouvoir dans le pays, en accusant le général Ali Sériati, directeur de la garde présidentielle, de fomenter un complot contre son l’ancien président et en faisant régner l’anarchie et la peur sur le terrain pour effrayer le peuple et lui faire croire qu’il y a une conspiration contre le pays et qu’elle, seule, avait le pouvoir de redresser la situation».
Les forces de l’ordre étaient également la cible de cette équipe et des campagnes de dénigrement car elles étaient les seules habituées au terrain et capables de gérer les situations délicates. «Il fallait l’assainir et l’affaiblir . Rappelez-vous les mois de février, mars et avril durant lesquels les forces de l’ordre étaient considérées par nombre de Tunisiens comme une source de menace et de danger sur leur propre sécurité, à tel point que les agents de police n’osaient plus se présenter en tant que tels.
«En réalité, on a fait régner une telle ambiance de suspicion entre les forces de sécurité intérieure et les soldats en poste sur tout le territoire national que tous ceux qui opéraient sur le terrain doutaient les uns et des autres et nombreux échanges de tirs avaient lieu entre soldats et policiers et non entre snipers et soldats. C’était la confusion totale, le chaos. Les soldats arrêtaient les policiers et les traitaient comme de criminels, car ils avaient des doutes sur leur probité»…, a déclaré un officier de la police nationale.
Quant à Ridha Grira, ancien ministre de la Défense, il aurait soutenu jusqu’à la dernière minute «la légitimité» de l’ancien président, plus par peur que par conviction. Il avait d’ailleurs déclaré dans la nuit du 14 janvier: «l’armée nationale et les forces de l’ordre sont des forces patriotiques et si le président revient dans le pays, lui qui est le symbole de la Tunisie, nous serons obligés de le défendre et nous risquerons de mettre le pays à feu et à sang, s’il veut rentrer malgré cela, qu’il le fasse»…
Grira a d’ailleurs cru, à tort ou à raison, qu’un complot se tramait dans le pays et il a commencé à imaginer des scénarios aussi absurdes les uns que les autres et dont le protagoniste principal serait, d’après lui, Ali Sériati (voir article plus loin). Il a fait en sorte avec Samir Laabidi, à l’époque, ministre de la Communication d’associer les médias aux informations terrorisantes pour, explique-t-il, «assister les forces de l’ordre à traquer les bandes armées».
D’ailleurs, l’une des télévisions qui auraient, semble-t-il, sur des instructions, œuvré à instaurer un climat de terreur dans le pays est Hannibal TV laquelle, de la bouche même de son fondateur, a lancé des messages non vérifiés qui auraient effrayé encore plus les Tunisiens peu habitués au chaos dans leur pays. Arbi Nasra aurait reconnu «avoir diffusé de fausses alertes et de faux appels», il n’a pas pu expliquer ses actes.
Dans le même temps, les portes des prisons ont été ouvertes laissant s’échapper les criminels de droit commun les plus dangereux dans le but, selon des témoins, d’effrayer encore plus la population et l’obliger à crier au rétablissement de la sécurité sans demander son reste.
Qui avait intérêt à créer ce chaos, les alliés de Ben Ali qui s’attendaient à ce qu’il rentre pour rétablir l’ordre et qui voulaient lui préparer le terrain ou des comploteurs de haute volée initiés par des forces étrangères et attendant l’occasion de mettre le grappin sur le fruit une fois mûr?
Que ce soit les uns ou les autres, les initiatives spontanées et les rôles joués par Samir Tarhouni et Sami Sikh Salem ont complètement déjoué les plans sciemment préparés ou les tentatives de récolter les fruits du mouvement de protestation et de ras-le-bol populaire en Tunisie.
Nous en saurons certainement davantage dans l’avenir, car certains témoins auraient refusé d’en dire plus de peur de représailles possibles même dans la Tunisie d’aujourd’hui…