ée à Paris (Photo : Charles Platiau) |
[14/01/2012 09:33:39] BRUXELLES (AFP) La dégradation de la note de la France creuse le fossé entre les pays du Nord et du Sud de la zone euro tout en affaiblissant politiquement le président Nicolas Sarkozy face à l’Allemagne dans les joutes en cours à Bruxelles sur le futur cap de l’Europe.
La chancelière allemande Angela Merkel “menait déjà la danse en Europe sur les questions économiques, elle va pouvoir le faire encore un peu plus dorénavant”, indique à l’AFP un ministre d’un pays européen interrogé sous couvert d’anonymat.
Les conséquences financières de la perte de la note “triple A” de Standard & Poor’s devraient rester limitées pour la France car cette décision était anticipée.
Politiquement en revanche la facture pourrait être plus salée, en interne mais aussi en externe, sur la scène européenne, où se tiennent des tractations cruciales sur la refonte de la gouvernance de la zone euro.
Dans les grandes lignes, le chef de l’Etat français partage certes avec la chancelière le souci d’une maîtrise plus ferme des comptes publics dans le contexte de la crise de la dette. Mais l’ampleur de l’opération suscite des divergences récurrentes. Jusqu’ici, Paris a été capable, dans une certaine mesure, de faire contrepoids aux pays les plus orthodoxes en matière budgétaire, comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Finlande, qui militent à Bruxelles pour imposer la discipline la plus stricte possible.
La France a pu compter sur l’appui des pays du Sud de l’Europe, comme l’Italie, pour freiner les ardeurs des jusqu’au-boutistes du Nord.
Ces clivages sont apparus l’an dernier lors des difficiles négociations visant à durcir le Pacte de stabilité européen, autour du degré d’automaticité à donner aux sanctions financières contre les pays laxistes.
Elles sont réapparues en ce début d’année lors des tractations menées sur le nouveau traité de discipline budgétaire exigé par l’Allemagne pour prix de sa solidarité financière avec les pays en difficulté, et ne sont d’ailleurs pas totalement réglées. Paris a ainsi ferraillé avec d’autres pour éviter que la Cour de justice européenne se voie confier le pouvoir de sanctionner les dérapages budgétaires nationaux.
Le rôle de la Banque centrale européenne dans la gestion de la crise ou le montant du Fonds de secours financier de la zone euro sont d’autres sujets de friction entre les pays du Nord et ceux du Sud.
à Kiel (Photo : Marcus Brandt) |
Les décisions de Standard & Poor’s risquent désormais de renforcer le camp des “durs”, la France se voyant affaiblie par son expulsion, avec l’Autriche, du “club” d’excellence que formaient jusqu’à présent les six pays de la zone euro notés triple A. Seuls l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg en font encore partie. Ils auront davantage les coudées franches pour imposer leur point de vue. “La cassure est de plus en plus nette entre le Nord et le Sud de la zone euro”, estime le ministre européen. Une césure qui inquiète depuis déjà longtemps la Commission européenne.
Les dégradations de S&P “accentuent les différences”, déplore une source européenne en pronostiquant un sommet particulièrement difficile des dirigeants européens le 30 janvier à Bruxelles.
En attendant, la fracture Nord-Sud donne du grain à moudre aux plus chauds partisans d’un éclatement de la zone euro.
“Les dirigeants de la zone euro doivent à présent comprendre que la maladie ne pourra commencer à être guérie tant que nous n’aurons pas coupé le membre gangrené, a estimé le président du groupe d’élus eurosceptiques ECR au Parlement européen, Martin Callanan, après l’annonce de S&P. L’ancien commissaire européen néerlandais Frits Bolkestein estimait lui aussi récemment qu’un “éclatement de l’euro est inévitable” en raison d’un fossé culturel trop grand à ses yeux enre le Nord et le Sud de l’Europe. Et de plaider pour la création d’une nouvelle Union monétaire des seuls pays pays du Nord: “une Neuro-zone”.