à Berlin (Photo : Odd Andersen) |
[14/01/2012 10:16:27] PARIS (AFP) La décision de Standard & Poor’s de dégrader d’un cran le Triple A de la France consacre son décrochage vis-à-vis de l’Allemagne et menace la cohésion de la zone euro, selon les économistes.
L’agence de notation américaine a annoncé vendredi que la France avait perdu son AAA, la meilleure note possible, désormais ravalée à AA+ avec perspective négative tandis que le triple A allemand est totalement indemne. Au total, neuf pays de la zone euro ont été “dégradés”.
Ces dégradations, souligne Elie Cohen, directeur de recherches au CNRS, créent désormais “une différenciation interne majeure à l’intérieur de la zone euro avec trois types de pays”, la France se trouvant dans un entre-deux.
“La première catégorie est constituée des pays qui conservent le triple A et correspond à l’ancienne zone Mark avec l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg, la deuxième compte les pays AA+ comme la France ou la Belgique, et la troisième, les pays du sud dont les notes ont été sévèrement abaissées.”
Du point de vue français, souligne Elie Cohen, “la stratégie d’une réduction très progressive du déficit contraste violemment avec celle de l’Allemagne”. Fin 2011, le déficit public de la France devait atteindre 5,7% du PIB contre 1% seulement pour l’Allemagne, un “écart colossal”, selon l’économiste.
à Berlin (Photo : Johannes Eisele) |
Contrairement à Berlin aussi, “Paris ne peut pas compter sur la croissance pour réduire ses déficits publics ce qui explique la différence de traitement par Standard & Poor’s”, explique-t-il. D’un point de vue politique, le chercheur y voit un “désaveu majeur” pour le président Nicolas Sarkozy qui avait fait de la sauvegarde du triple A français le juge de paix de sa politique économique.
Elie Cohen n’anticipe pas pour autant de “catastrophe” à l’ouverture des marchés lundi matin, notant que la dégradation de la note française était “largement anticipée”.
Pour preuve: les déclarations du chef économiste de S&P pour l’Europe, Jean-Michel Six? affirmant début janvier qu’en dépit de son triple A, les investisseurs “traitaient” déjà la France “comme si elle était notée triple B”.
Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) est sur la même ligne. “La France était considérée jusqu’ici le plus nordiste des pays du sud, maintenant, c’est acté, bien qu’elle reste la deuxième puissance européenne, elle ne jouera plus le même rôle”, assure-t-il. Le chercheur y voit “une difficulté supplémentaire pour le président Nicolas Sarkozy de se faire entendre des Allemands”.
Or, la seule issue à la crise, selon lui, serait que la France parvienne à “convaincre l’Allemagne d’autoriser la Banque centrale européenne à jouer son rôle de prêteur en dernier ressort comme les banques centrales des Etats-unis, d’Angleterre ou du Japon”. A l’en croire, ce serait aussi la seule manière crédible de donner aux marchés l’assurance “qu’il n’y aura pas de faillite d’un Etat européen”.
Le risque sinon serait, pour la France comme pour ses partenaires, une course à la rigueur qui engagerait la zone euro dans “un cercle très vicieux: augmentation des taux d’intérêts, plans d’austérité, croissance cassée, chute des recettes fiscale, chômage élevé et paupérisation générale”.
Même si “le risque français n’a rien à voir avec la Grèce, les taux d’intérêts (versés par la France pour financer sa dette, NDLR) pourraient grimper jusqu’à 5 ou 6%”, avance pour sa part Nicolas Bouzou (Asterès).
La France, relève-t-il ainsi, “n’est pas dans la situation américaine où la perte du triple A, début août, était restée pratiquement sans effets” grâce au parapluie de la Réserve fédérale.