La zone euro replonge dans la crise après la perte du AAA de la France

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ège de la Banque centrale européenne à Francfort (Photo : Daniel Roland)

[14/01/2012 10:21:40] PARIS (AFP) La zone euro, qui espérait traverser une accalmie, replonge dans la crise après la dégradation en rafale par Standard and Poor’s de plus de la moitié de ses membres, dont la France privée de sa note “triple A” et décrochée de la locomotive allemande.

Ces nouvelles turbulences sont aggravées par l’impasse dans les négociations sur la dette de la Grèce, pourtant vitales pour éviter à Athènes une faillite qui guette toujours.

Après le succès des premières émissions obligataires de l’année en Italie et en Espagne, qui semblait éloigner le spectre d’une propagation de la crise à ces deux poids lourds de la zone euro, Standard and Poor’s (S&P) a mis vendredi soir une grande partie de ses menaces à exécution.

L’agence d’évaluation financière, qui envisageait d’abaisser la note de seize des dix-sept Etats de l’Union monétaire, en a finalement dégradé neuf.

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à Berlin (Photo : Johannes Eisele)

Le principal coup de tonnerre concerne la France, deuxième économie européenne, qui perd sa note AAA, la meilleure possible, et descend d’une marche, comme l’Autriche, à AA+. La sanction est d’autant plus nette que les quatre autres pays “triple A” de la zone euro, et notamment l’Allemagne, conservent cette prestigieuse distinction qui permet de s’endetter à moindre coût.

Les pays déjà dans le viseur des marchés sont aussi durement frappés: l’Italie et l’Espagne sont dégradées de deux crans, tout comme le Portugal et Chypre dont la dette est désormais considérée par S&P comme un investissement “spéculatif”. Les notes de Malte, de la Slovaquie et de la Slovénie sont abaissées d’un cran.

Enfin, l’agence laisse planer la menace d’une nouvelle dégradation d’ici fin 2013 pour l’ensemble des pays de la zone euro à l’exception notable de l’Allemagne, plus que jamais désignée comme le bon élève, et de la Slovaquie.

Les institutions et les dirigeants européens sont les premiers visés par les critiques de S&P, particulièrement sévère à l’égard des solutions “insuffisantes” apportées à la crise de la dette au fil des multiples sommets “de la dernière chance”.

“Alors que tous les gouvernements et toutes les institutions européennes sont mobilisés” pour renforcer la maîtrise des comptes publics et la gouvernance de l’Union monétaire, “je reste étonné du moment choisi par l’agence Standard and Poor’s et sur le fond, de son évaluation qui ne prend pas en compte les progrès actuels”, a déclaré samedi le commissaire européen aux Services financiers Michel Barnier. Bruxelles a qualifié cette décision d'”aberrante”.

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” (Photo : Philippe Huguen)

“L’efficacité, la stabilité et la prévisibilité de la politique et des institutions politiques européennes ne sont pas aussi solides qu’il le faudrait”, prévient l’agence de notation, déplorant “une réforme reposant sur le seul pilier de l’austérité budgétaire”.

C’est donc en partie le nouveau traité voulu par l’Allemagne avec le soutien de la France, imposant un pacte de stricte discipline budgétaire, qui est dans le collimateur de S&P. Mais aussi l’insuffisance des “ressources” et de la “flexibilité” octroyés aux fonds de secours de la zone euro, au moment où Berlin refuse toujours de remettre au pot pour renforcer ces pare-feu censés endiguer la propagation de la crise.

Mais c’est la France, avec son “niveau relativement élevé de la dette publique” et les “rigidités de son marché du travail”, qui fait les frais de ce réquisitoire. A moins de cent jours de l’élection présidentielle française, la dégradation tombe très mal pour Nicolas Sarkozy, candidat très probable à sa succession, qui avait fait une priorité de la sauvegarde du “triple A”. Son adversaire socialiste François Hollande, favori dans les sondages, a accusé samedi le président d’avoir “perdu” sa “bataille” pour “la conservation du triple A”.

Le ministre français des Finances François Baroin a tenté de relativiser. “Ce n’est pas une bonne nouvelle” mais ce n’est “naturellement pas une catastrophe”, a-t-il réagi. Sa collègue du Budget Valérie Pécresse a ajouté que la France restait une “valeur sûre” qui tiendrait ses engagements de réduction du déficit public.

“Je crois que nous sommes tous étroitement liés les uns aux autres. Pour cette raison, cela ne nous laisse pas indifférents”, a assuré de son côté le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble. “Nous sommes ensemble sur la bonne voie”, a-t-il estimé, alors que les rapports de forces au sein du couple franco-allemand risquent de s’accentuer.

La dégradation de la note française risque d’avoir de graves répercussions dans la zone euro. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), ce mécanisme de secours pour les Etats en difficulté, pourrait perdre dans les prochains jours à son tour sa note AAA, garantie conjointement par Paris et Berlin, ce qui rendrait encore plus difficile sa tâche déjà ardue.

La décision de S&P a presque occulté un autre coup de tonnerre, venu de Grèce, épicentre de la crise de la dette depuis 2010: les banques, engagées dans un bras de fer avec les dirigeants européens pour aboutir à l’effacement de la moitié de la dette grecque qu’elles détiennent, ont suspendu vendredi les négociations.

Pire, elles ont laissé entendre qu’elles pourraient revenir sur leur engagement, pris le 27 octobre, de restructurer volontairement la dette d’Athènes, condition nécessaire pour éviter une faillite incontrôlée. Coup de bluff ou vraie menace? Les discussions reprendront mercredi.