Mettre au pas l’information, c’est un manquement de gouvernance. Très mauvais signe. Attention, il y a faute.
L’effervescence de la transition vers la démocratie peut justifier certains écarts en matière de gestion des affaires. En l’absence d’une culture de pouvoir, on est exposé aux fragilités du noviciat. On peut tolérer, d’autant que nous sommes en état de grâce. Pas pour longtemps, faut-il le rappeler. La tradition démocratique donne cent jours. Et, ils sont bien entamés. Mais on ne peut passer sous silence une volonté délibérée de régenter le secteur qui donne à l’état de droit sa dimension publique. L’opinion, c’est le peuple. Faut-il faire barrage au droit d’information de l’opinion et rétablir le délit d’opinion, après la révolution de Janvier 2011?
La presse libre, un contrat démocratique
La société moderne a inventé la presse. L’état de droit lui a conféré un statut dans le dispositif démocratique. Elle sera le quatrième pouvoir. Par conséquent, son indépendance ne supporte pas d’à-peu-près. Ou elle est libre ou elle n’est pas. Une presse au service, c’est l’aveu de l’agonie de l’état de droit.
Est-ce bien un objectif de la révolution? La réponse ne fait pas de doute. Faisant partie des institutions, sa fonction est bien déterminée: veiller à la transparence du système. Dans tout l’édifice de gouvernance, la transparence est la fonction clé. Or le contrôle et la supervision sont les garants de cette transparence. C’est là le rôle essentiel de la presse. Infiltrer la presse c’est l’instrumentaliser. Et c’est un acte de transgression. L’information est publique. Elle n’est pas gouvernementale. Le gouvernement possède bien un service de presse logé au sein des cabinets ministériels. Mettre la presse aux ordres est donc un débordement. Il y a bien rapt d’un organe qui revient à l’opinion publique, c’est-à-dire au peuple.
La presse libre, le mirador de la démocratie
Toute nouvelle administration arrive avec sa propre équipe. Cela fait partie du contrat. On peut admettre que le remplacement des premiers dirigeants des organes publics relève de cette logique démocratique. Mais l’immersion dans la rédaction devient un acte qualifié d’instrumentalisation de la ligne éditoriale. L’information ne peut devenir un acte de propagande, sans faire dévier tout l’attirail. L’ère de la pravda et de la presse aux ordres est bien révolue. Que les journalistes aujourd’hui fassent de la résistance est un acte qui les honore.
Ce faisant, ils continuent le combat pour faire aboutir les objectifs de la révolution. Qu’ils soient pris individuellement pour cibles n’est pas un signe de bonne santé de la transition démocratique. Leur résistance est bien un acte conséquent et non insurrectionnel. Cela fait partie du jeu. Vouloir les marquer individuellement ne peut être compris que comme un acte antidémocratique, prélude à une volonté musclée de récupération. Là, on est dans l’anti jeu.
La presse est là pour dire, en prenant de la hauteur, si le mandat démocratique se déroule comme le voulaient les électeurs. Elle veille au bon déroulement des pratiques démocratiques dans leur sens noble. Sinon les élections tourneraient à cette malédiction longtemps mise en avant par Jean-Paul Sartre, grand défenseur de la cause du peuple. Pour l’illustre philosophe, défenseur inflexible de la démocratie et de la liberté, sans presse libre et vigilante contre toutes les tentatives de déviance et de totalitarisme, les élections tombent dans un travers détestable, elles deviennent des pièges à c…