Tout apprentissage est toujours difficile, mais celui du pouvoir est le plus difficile de tous les autres. C’est ce que le parti Ennahdha est en train de vivre ces jours-ci, et ce depuis son succès -bien que relatif aux élections du 23 octobre 2011.
Les coups ont commencé à pleuvoir depuis l’annonce des premiers pourparlers constitutifs de la Troïka au pouvoir aujourd’hui. Les médias, en général, n’ont pas été tendres pour le parti de Rached Ghannouchi, et ce n’est pas une surprise dans une société récemment libérée où la liberté de parole demeure le signe le plus clair de cette nouvelle émancipation de la Tunisie après un demi-siècle de mutisme forcé.
La liste est longue, de l’annonce (la semaine passée) des nominations catastrophiques dans les médias publics jusqu’au limogeage de Moncef Laajimi en passant par l’agression de notre confère Sofiène Ben Hmida, journaliste de Nessma TV, et de Mohamed Barhoumi, élu de la Constituante et membre du Parti du Peuple (unioniste), sans oublier un autre membre du parti des Patriotiques démocratiques (Awad)… S’ensuit aussi une série de gaffes de communication et d’attitudes du parti majoritaire au pouvoir au point que le CPR et Ettakatol (ses alliés de la Troïka) élèvent la voix en protestant…
Il serait facile de charger le parti Ennahdha et ses ministres, mais il faut bien s’avouer consterné par la vision que les uns et les autres ont de la gouvernance et des moyens appropriés pour tenir le cap dans une période transitoire, un pays bloqué et une conjoncture régionale et internationale extrêmement confuse. Nos nouveau gouvernants n’ayant que très peu d’expérience ou pas du tout, cela devrait leur conduire, normalement, à prendre toutes les précautions afin de mesurer chaque acte qu’ils décident à l’aune des données réelles du pays et de sa population surtout qu’ils savent pertinemment qu’ils sont là pour une période transitoire d’environ une année et qu’ils seront jugés dans des élections parlementaires ouvertes et plurielles …
Cependant le scénario continue de plus bel chaque jour, et voilà qu’à la veille de la commémoration du premier anniversaire de la Révolution, qui les a fait accéder au pouvoir, ils invitent l’émir du Qatar solennellement malgré ce qu’ils savent de l’atmosphère anti-Qatar qui règne pas seulement en Tunisie mais dans beaucoup de pays arabes, comme ce qui s’est passé récemment en Mauritanie où le cheikh a dû interrompre une visite officielle …
Le parti des islamistes tunisiens ambitionne officiellement de devenir un parti de gouvernement et démontrer que les islamistes, soupçonnés par tout le monde de vouloir instituer une théocratie wahhabite, peuvent à l’instar de l’AKP turc, se couler dans le moule démocratique et faire preuve de maturité. Cette épreuve devrait le conduire logiquement à se débarrasser des relents extrémistes de leur passage par l’opposition et des facilités des positions extrêmes de leur base et de salafistes purs et durs à leur droite (Parti Tahrir, Salafia Jehadia, salafia Ilmia et autres).
Or, nous ne pouvons pour l’instant déceler aucunement une approche de ce type, et bien au contraire, chaque fois qu’il y a crise, on voit les leaders du parti Ennahdha revenir plutôt à leur base et abonder dans le sens d’une attitude de blocage primaire qui ne fait que le desservir et surtout desservir le pays… C’est dommage de remarquer, dans ce sens, le ministre de l’Intérieur choisir de s’adresser, mégaphone à la main, à la foule nahdhaoui devant le parvis du ministère de l‘Intérieur et donner en exclusivité une interview à une minuscule chaîne Web TV islamiste, au lieu de s’adresser aux médias officiellement comme tout politique qui se respecte, comme il est bizarre de voir un membre de l’ANC du parti Ennahdha, à savoir Sahbi Atig, se pavaner avec la foule hystérique qui vient de rouer de coups son collègue à la Constituante et un journaliste en train de faire son boulot…
Nous ne sommes qu’au début de l’épreuve que le parti Ennahdha et ses alliés de la Troïka subiront tout au long de cette année. Pouvons-nous parier qu’ils vont se ressaisir et remonter la pente surtout que parmi ces leaders on compte beaucoup de gens compétents et sincèrement mûrs par la volonté de bien faire leur boulot?
Wait and see!