Les vents mauvais de la crise de la dette ont dévasté quatre pays de l’UE, qui voient leur note dégradée. Ils ont balayé l’espoir de reprise en UE. Gros temps sur nos exportations.
La France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, tous dégradés. Tous dans le même wagon. Voici revenu le temps des charrettes. Mais cette fois, c’est à l’échelle des pays. On a beau dire dégradation vaut relégation. On joue en deuxième division. Les marchés vous facturent des marges de taux-spreads- plus chers. Le refinancement de la dette coûtera plus cher à des Etats en perte de moyens.
Des dirigeants politiques de premier rang, dont le président français, ont promis de s’engager sur la voie du sevrage du déficit. Les plans d’austérité en sont le premier pas. La volonté d’inscrire la “règle d’or“ -de l’équilibre budgétaire- dans la Constitution est en maturation. Le résultat est là, les agences de notation ont été plus rapides. Avec des comptes publics plombés, les Etats européens vont ramer. Grand corps malade, l’Europe aura une croissance groggy. Par contrecoup, notre secteur exportateur va-t-il galérer, à son tour?
La dégradation en série
Les agences de notation ont sévi et, sévèrement. Il faut reconnaître qu’elles tiennent leurs promesses en ce sens qu’elles ne lâchent pas leur proie. S&P a dégradé les USA d’un cran au mois d’août 2011. Mais là c’était prévisible. Les USA avaient commis l’impair de relever leur plafond d’endettement par une décision politique et non par une performance économique. Pile après, S&P, qui a la gâchette facile, a mis l’Europe dans le viseur. Un groupe de pays dans l’UE, à savoir la France, l’Italie, le Portugal et l’Espagne, sont déclarés en observation négative. Cette consigne signifie que la dégradation interviendra au premier faux pas. En octobre S&P a récidivé promettant de revenir dans les trois mois. Ce qui fut fait ce vendredi 13 janvier. En dehors de l’Allemagne qui préserve sa mention stable, le résultat des courses est que l’Italie, le Portugal et l’Espagne sont dégradés de deux crans et la France d’un cran à AA+. Certains dirigeants européens ont cherché à relativiser.
Rappelons que la Suède a mis dix ans pour remonter la pente et retrouver son triple A. Dix ans à galérer et à supporter un surplus de service de la dette! L’ennui est que l’agence a également dégradé le Fonds de stabilité européen, substitut au FMI pour l’Union. L’agence cherche-t-elle à asphyxier l’Europe et à détricoter la monnaie unique, qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Comment se présente l’horizon économique demain?
Le Mix des risques
On peut comprendre la dégradation de l’Italie, qui a laissé filer sa dette à un montant abyssal de 1.900 milliards d’euros. De même pour l’Espagne ainsi que le Portugal qui se sont laissés aller aux délices de la bulle immobilière comme seul moteur de la croissance. Mais la France a montré des signes de discipline financière bien réels. Deux plans d’austérité successifs. L’ennui est que la France, tout en étant la moins pénalisée, est celle qui peut avoir les conséquences les plus lourdes. L’Italie a pu changer de majorité rapidement et tout est rentré dans l’ordre. Pareil pour l’Espagne.
La France va voir son système social mis à rude épreuve et proche de l’implosion. La menace de paupérisation des classes modestes réduit les remèdes disponibles. Pour tenir le coup, le pays pensait remonter la pente en serrant la ceinture. Les experts de S&P ont dit Na! A moins de 100 jours de l’élection présidentielle, le risque est que l’extrême droite gagne. Souverainistes, on connaît toute leur aversion pour l’euro. Nous n’osons imaginer les retombées d’un éventuel départ de la France de la Zone euro. Outre donc ces risques politiques, les risques économiques sont tout aussi inhibants. Les banques moins soutenues par les Etats provoqueraient un risque d’assèchement du crédit.
Les pays du Pourtour sud de la Méditerranée vont-ils prendre cette crise de plein fouet?
Les conséquences outre méditerranée
On connaît le cortège des retombées de la crise de l’économie européenne sur notre secteur exportateur. Cela signifie moins de touristes, moins de commandes et moins d’investissements, une baisse du plan de charge, en somme. On aura remarqué que ce sont les pays du sud de l’Europe qui ont été pénalisés, c’est-à-dire ceux qui échangent le plus avec nous. Les pays du nord, Allemagne compris, sont sur des paliers supérieurs de système de production. L’Europe du sud reste avec un secteur de PME/PMI important. Ils sont donc très exposés à la concurrence asiatique.
La Tunisie est parmi les pays du Pourtour qui a toujours plaidé en faveur d’une intégration, d’un partenariat gagnant-gagnant. Or l’UE a cherché à dupliquer ce qu’a fait l’Amérique avec la Chine, c’est-à-dire un atelier de sous-traitance. L’UE aurait accepté de nous intégrer, à l’heure qu’il est, nos deux ensembles n’en seraient pas là. Quand l’UE a intégré les 10 pays de l’Est, elle leur a versé 500 euros par tête. Elle n’a servi que 5 euros pour les pays du Pourtour de la Méditerranée. Nous avons la faiblesse de croire que nous avons apporté à l’UE davantage que nos compétiteurs de l’Est.
Quand le gouvernement de Béji Caïd Essebsi avait sollicité un Statut de pays membre sans l’adhésion, l’UE a fait la sourde oreille. L’UE s’entête à mettre une mer entre elle et nous. Nous ne serions pas ce troisième poumon qui lui fait défaut et qui nous tirerait d’affaires. Et c’est bien dommage. Non seulement nous aurions apporté un supplément de dynamisme aux pays du sud (européen) mais en plus on aurait constitué un firewall contre les dérives droitières de la scène politique. Et à côté de la menace du risque de défaut, cette dernière est tout aussi plausible.