De l’avis d’éminents pédagogues, les jeunes apprenants tunisiens n’ont pas l’air plus sots que les autres. Ou moins compétitifs. Dans un monde brutal, ultra concurrentiel. Même si une bonne partie d’entre eux est boutée hors du système scolaire entre la fin du collège et l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur.
En France, par exemple, d’après certaines études récentes, liées aux performances éducationnelles, les trois cinquièmes des scolarisés n’arrivent pas à la consécration universitaire. Par culture de l’élitisme. Très forte dans l’Hexagone. Alors que plus de six Américains sur dix sortent, nous dit-on, avec le diplôme en poche. Ce qui en dit long sur l’émulation, le mental et la rigueur au pays de l’Oncle Sam, qui reste l’eldorado universitaire des élites mondiales. Avec ses Prix Nobel et son réseautage international.
En fait, l’école tunisienne recale plus qu’elle ne forme. Un monde à deux vitesses règne au sein du système. Les établissements privés de l’enseignement de base fleurissent dans le pays. Au grand dam des partisans de l’école publique. D’ailleurs, il y a fort à parier qu’en jouant les gares de triage à tous les niveaux, l’enseignement du secondaire laisse filer des élèves démotivés, désemparés. Qui auraient pu devenir de bons étudiants.
En plus, depuis longtemps, on parle de l’apparition d’universités «débarras», où l’on relèguerait les bacheliers refusés par d’autres au nom de critères triés sur le volet. Souvent peu fiables. Au service de la reproduction de la même noblesse d’Etat, comme dirait Bourdieu.
Eh oui… Elle a bien du mal à se refaire. A se restructurer. A se régénérer. A se reconstruire. A se repenser. A échapper à la dictature du court terme. A tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues. Notre vieille école tunisienne. Car, à force de n’avoir d’yeux que pour les meilleurs, de sélectionner à chaque étape, de valoriser seulement les surdoués, de culpabiliser le reste, elle fait une croix sur tous ceux qui ne sont pas assez «matheux» ou pas tout à fait dans le bain de l’excellence.
Ainsi donc, l’intelligence globale est partout battue en brèche au profit d’une réponse technicisée aux problèmes du pays. L’enseignement devenu la voie royale de la vedettisation des esprits. Avec des jeunes apprenants, désormais prisonniers de l’expertocratie. Loin de toute pensée originale. Revoir notre modèle pédagogique doit être le chantier intellectuel des cinq années à venir, déclarent des enseignants-chercheurs.
Dès le début, affirment plusieurs experts, on a oublié qu’une école moins formatée, plus ouverte, pourrait aussi produire des profils plus innovants. Promouvoir la concurrence. Inciter à la mobilité. Favoriser l’aspiration au neuf. Au changement. Un trésor pour l’enseignement supérieur. Une aubaine pour la recherche.
La planète de la connaissance bascule bel et bien dans un système global, où tout circule… Les étudiants, les professeurs, les idées. C’est bien la bataille du renouveau cognitif, qui doit être engagée en Tunisie. En mettant l’accent sur les expérimentations qui marchent. Puisque l’école reste le meilleur endroit pour la stimulation intellectuelle. La redéfinition du socle commun des connaissances et des compétences. Et du renouvellement des pédagogies mises en œuvre.
Alors, pourquoi ne pas imaginer des enseignements par secteurs disciplinaires? Sur une partie de l’année, l’élève suivrait par exemple des sciences de la vie et de la terre, ensuite, il passerait aux sciences physiques ou à la technologie. Faut-il, peut-être, octroyer à chaque établissement des heures d’enseignement à répartir en fonction de leur projet pédagogique, seul moyen d’adapter réellement l’enseignement aux besoins des élèves!
Finalement, réinvestir dans le secteur de l’éducation est indispensable pour l’égalité réelle entre les individus, les régions et le développement culturel, social et économique de notre pays.