Une politique conjoncturelle pour la Tunisie pourrait être une combinaison des paramètres suivants:
– politique monétaire (taux d’intérêts),
– la politique budgétaire (dépenses et investissements publics),
– politique fiscale (impôts),
– politique de financement,
– politique sociale,
– politique des salaires et le taux de change.
Les politiques de relance se basent en particulier sur deux théories économiques: les keynésiens et les libéraux. Je vais essayer de définir ces deux mouvements avec des phrases simples et puis je vais chercher de situer la Tunisie dans ces systèmes de pensées économiques.
I) L’interventionnisme (les keynésiens)
Les keynésiens sont pour l’appui de l’État et recommandent une politique de relance par l’augmentation de la demande de consommation et de la demande d’investissement. Pour inciter ou ralentir l’activité économique, l’Etat utilise la politique monétaire (taux d’intérêts) et la politique budgétaire (dépenses et investissements publics). Le but est la consolidation de l’emploi et l’élargissement de la croissance. La relance engendre ainsi un déficit budgétaire mais augmente les investissements. Ce déficit doit être équilibré par les impôts à long terme.
La contribution de l’État est indispensable lorsque l’économie est déficiente afin de corriger les imperfections du marché et d’atteindre le plein emploi. La politique monétaire (entre autres les taux d’intérêts) est le régulateur primordial. Il n’y a pas normalement de relance si la politique monétaire ne produit pas une augmentation de la demande. Pour les keynésiens, les marchés laissés à eux-mêmes ne conduisent pas forcément à l’optimum économique. De ce fait, l’État a une fonction à jouer dans le domaine économique particulièrement dans le cadre de politique de relance. Les États-Unis ont employé d’une manière méthodique la formule keynésienne pour sortir de leurs récessions d’Après-guerre.
Une possibilité de se convaincre est de constater dans quelle mesure ils ont autorisé à leur ratio dette/PIB d’augmenter entre la récession et le premier sommet conjoncturel.
La politique budgétaire keynésienne pourra-t-elle sauver l’économie tunisienne? Oui, mais à condition que nous fermions nos vieilles usines et nous utilisions un outillage perfectionné. Notre industrie et notre outillage sont en grande partie un héritage du temps du colonialisme français. Investir pour entretenir de très vieilles usines et un vieil outillage ne va qu’aggraver la situation économique. En Tunisie, il ne faut pas surestimer le degré d’efficacité de la politique monétaire et budgétaire. Il faut plutôt varier d’autres paramètres comme la politique fiscale (impôts), politique de financement, la politique sociale, politique des salaires et le taux de change toute en structurant notre industrie et notre agriculture.
La politique budgétaire d’inspiration keynésienne qui consiste à laisser galoper le ratio dette/PIB ne peut relancer notre économie que si nous faisons les bons choix économiques. Toutes les décisions budgétaires depuis l’indépendance n’ont pas produit la croissance économique voulue, au point où leur effet a même fini par devenir négatif (endettement, inflation, dégradation de la balance commerciale, fuite des capitaux.).
Pourquoi est-ce que dans l’état actuel des choses, une injection de la monnaie ne va générer que de l’inflation? La réponse est évidente: Le Tunisien souhaite investir mais il ne sait pas dans quel domaine. Il aime bien produire quelque chose d’utile pour la société ou faire du commerce mais il ne sait pas comment s’y prendre. En fait, il n’a aucune idée! Donc, avant de lui donner de l’argent, il faut lui donner d’abord des idées concrètes. Ce sont les idées qui manquent et l’incertitude qui règne.
Quelles sont les démarches à entreprendre? Quels sont les pièges à éviter. Tout est bien confus et très brouillon! Mais la motivation est bien là. Je connais des Tunisiens en Allemagne qui veulent investir dans les domaines suivants:
– dans le domaine maritime,
– dans le commerce,
– dans le Prêt à Porter,
– dans les restau-fastfoods,
– dans l’agro-industrie,
– dans la production des logiciels.
Mais, ils n’osent pas car ils ont peur d’échouer…
Puis, il faut se libérer des idées fantaisistes qui veulent abolir complètement toute sorte de politique monétaire (argent facile et sans taux d’intérêts). Ces gens n’ont aucune objectivité scientifique et économique. Ils vont nous conduire à un endettement cumulatif, à une inflation sans limite, à une dégradation de la balance commerciale (hausse des importations) et à une fuite des capitaux.
Cette idée d’argent gratuit (banques sans taux d’intérêt) ayant pour but d’abolir le taux d’intérêt ne peut pas fonctionner et va nous conduire dans une impasse. Les techniques de la politique monétaire sont plus complexes et plus raffinées que les propositions simples. Il y a une combinaison de plusieurs facteurs dont la complexité ne doit rien laisser au hasard. Les propositions d’abolir les taux d’intérêt ne peuvent fonctionner que si les pays riches arabes nous offrent annuellement des centaines de millions de dollars … Soyons sérieux!
Une chose est évidente est que la crise économique en Tunisie n’est pas liée à la baisse de la demande privée (comme dans les pays du nord). Le peuple tunisien veut consommer mais il n’y a pas assez pour tout le monde. La formule classique utilisée par les pays du nord qui consiste à dire: “Il n’y a pas de relance si la politique monétaire n’engendre pas une hausse de la demande” n’est pas applicable en Tunisie.
En Tunisie, la demande est là, mais la productivité est faible et le prix de revient est très haut. Une solution possible est la baisse de la fiscalité, l’augmentation de l’offre grâce à une meilleure productivité, minimiser le prix de revient, équilibre budgétaire, minimiser les dépenses sociales et augmenter progressivement la masse d’argent en circulation afin que l’offre ainsi crée sera absorbée par la demande.
Une politique d’expansion monétaire (crédit facile et sans taux d’intérêt) ne peut que favoriser le développement de l’inflation. Il faut que l’activité économique augmente plus vite que la masse monétaire dans notre pays. Sinon on aura un accroissement anormal de la quantité de monnaie par rapport au volume de la production. Ça sera le grand collapse et la fin de la démocratie.
II) Les antiétatiques (les Libéraux)
Les Libéraux refusent contrairement aux Keynésiens toute intervention de l’État dans le domaine économique. L’économie, d’après eux, se stabilise par elle-même. On doit laisser faire le marché sans notre intervention car il a des tendances autorégulatrices. On ne doit pas manipuler la balance naturelle qui existe entre l’offre et la demande. L’État ne peut que détériorer les résultats par son intervention et créer ainsi de l’inflation.
L’intervention de l’État est donc funeste au processus de l’activité économique:
– relance par l’offre
– Etat observateur
– marché autorégulateur qui assure son propre équilibre
– baisse de la fiscalité
– équilibre budgétaire
– protection sociale minimale politique monétaire rigoureuse (est même sévère).
La politique budgétaire anti-étatique pourra-t-elle sauver l’économie tunisienne? Je crois que non car il manque aux Tunisiens le capital.
Apparemment il n’y a pas de solutions miracles pour notre économie tunisienne. Les théories anti-étatiques ne peuvent pas fonctionner dans notre pays à cause de l’absence des capitaux chez les entrepreneurs tunisiens et de même les théories de l’interventionnisme (les keynésiens) ne représentent pas de solutions à nos problèmes car le peuple manque d’idées d’investissement et ne sait quoi faire avec l’argent (plus précisément, il ne voit pas d’emplacement sûr). Eh bien, il ne faut pas désespérer, regardons ce que les chinois font!
III) Une solution à la chinoise (la politique de finance)
Le gouvernement chinois a créé une structure organisationnelle par laquelle il peut procéder en tant qu’actionnaire dans tous les grands projets économiques afin d’en d’optimiser la gouvernance et de guider la modernisation. Même si ces sociétés par actions présentent des particularités d’entreprise privées (actionnaires, conseil d’administration, rapports annuels), le gouvernement chinois détient au départ toujours la majorité des actions et il exerce ainsi un contrôle solide sur l’activité de l’entreprise.
La privatisation complète se fait quand l’entreprise fait des bénéfices. Le gouvernement chinois a ainsi créé plus que 4 millions d’entreprises privées. Ces entreprises emploient près de 120 millions de chinois. La Chine fait pression sur les responsables des banques afin de permettre des prêts à des conditions avantagées aux nouvelles entreprises qui sont au début surveiller par les fonctionnaires des autorités chinoises. Ces prêts hors des conditions de marché ne sont accordés qu’aux entreprises rentables. Les entreprises non rentables n’ont plus le droit d’opérer ou d’investir car les règles du marché les forces à arrêter leurs activités ou du moins de ne pas réaliser de nouveaux investissements.
Lors de la privatisation complète des entreprises fonctionnant, les banques reçoivent leur argent de nouveau. Le stock des créances est à plus de 1.200 milliards de dollars. Les dirigeants chinois sont conscients de la fragilité de ces investissements. C’est pour cela que les banques chinoises reçoivent du budget de l’Etat. Le gouvernement chinois cherche aussi des capitaux privés, chinois et étranger afin de recapitaliser ses banques. Par contre l’Etat chinois (contrairement aux américains et aux européens) n’accorde pas de crédit hors conditions de marché (sans taux d’intérêt) aux ménages et à la consommation.
Les ménages chinois doivent préalablement épargner les sommes nécessaires pour l’achat d’une voiture ou d’un appartement. De même de nombreux produits d’assurance ne sont pas disponibles. Les ménages doivent également épargner pour se protéger contre les risques de la vie courante.
On comprend pourquoi le taux d’épargne des ménages chinois est très élevé et d’ailleurs il ne cesse pas de croître. Le taux d’épargne des chinois est de 50% du BIP. Ce taux d’épargne contribue à l’investissement. Les banques d’Etat dirigent l’essentiel de l’épargne chinoise vers les entreprises. Ces prêts soutiennent la production et favorise l’investissement. Ce qui augmente le taux de croissance du PIB.
IV) Les choix des projets à financer
La politique de finance ne peut être soutenable à long terme que si les entreprises produisent des biens et des services que le marché demande et que si les investissements dans des actifs en capital3 ont une valeur nette positive
La mentalité économique et industrielle du tunisien nous incite à faire des réformes économiques dont la base est au début une économie de commandement (étatique) et qui doit se transformer dans de très courts délais en une économie dans laquelle seules les forces du marché jouent le rôle principal.
V) Des erreurs à éviter
Il ne faut pas investir dans des entreprises si la discipline du marché devrait les forcer à arrêter leurs activités ou à ne pas réaliser de nouveaux investissements. Puis il faut limiter les prêts hors conditions de marché. Beaucoup d’entreprises qui ont été créés par la famille Trabelsi durant le règne de Ben Ali ont absorbé beaucoup de ressources monétaires malgré leur situation économique précaire. La faiblesse du cadre juridique, l’absence de contrôle démocratique ont donné aux proches de la famille au pouvoir des avantages concurrentiels.
Ce qui a ruiné toute notre économie. Les grandes banques d’Etat et les institutions de crédit tunisiennes prêtaient aux entreprises des proches de l’ex président, de ses ministres ainsi que des proches de ses derniers sans se soucier réellement de leur capacité à rembourser les prêts.
VI) Autosuffisance
La question est comment assurer l’autosuffisance et la stabilité des prix dans un temps record. Pour cela, il suffit de transformer notre agriculture traditionnelle, en la dotant d’équipements et de techniques d’avant-garde. L’agriculture moderne nécessite des techniques avancées, des équipements de haute performance et des agriculteurs qualifiés. Il nous faut un haut rendement, une excellente qualité, une grande rentabilité et un bon écosystème.
Le développement de la productivité agricole est un but primordial de la construction de la nouvelle Tunisie. Le mode de production agricole caractérisé par les systèmes d’irrigation classique et de labour traditionnel n’est plus suffisant afin de nourrir 11 millions de tunisiens.
Afin de développer une agriculture moderne, il est important de la transformer et la doter des techniques modernes de l’hydro-culture. Puis, il faut augmenter les investissements dans les régions rurales, soutenir financièrement les agriculteurs.
Parallèlement, il faut pratiquer des politiques économiques structurelles qui ont une action à long terme. Par exemple une politique industrielle comme l’encouragement de la production artificielle des engrais agricoles et de l’industrie chimique.