Un homme devant son ordinateur (Photo : Daniel Mihailescu) |
[24/01/2012 08:53:50] MUNICH (Allemagne) (AFP) Nos données personnelles sont une mine d’or pour les entreprises de l’internet, qu’elles exploitent souvent sans que nous nous en soucions, et que les défenseurs de libertés individuelles et l’Union européenne (UE) veulent réguler.
“Les données personnelles sont le pétrole du XXIème siècle”, déclare Stefan Gross-Selbeck, le patron de Xing, l’un des plus grands réseaux sociaux professionels, lors de la conférence DLD réunissant le gratin de l’internet mondial à Munich (sud de l’Allemagne).
“Les autorités ne l’ont pas compris, pour elles les données sont un motif d’inquiétude, qui ont besoin d’être protégées”, regrette-t-il.
Les milliers de traces numériques que nous laissons en permanence sont “partout exploitées, c’est même ce qui dirige l’innovation dans la Silicon Valley, ce qui créée de la valeur”, explique Andrew Keen, auteur et fin connaisseur des nouvelles technologies.
De l’avis des acteurs du secteur, la collecte de données personnelles va encore s’accroître.
L’époque où les réseaux sociaux se contentaient de connaître la date de naissance, l’université ou les liens d’amitié d’un membre semble déjà loin. Déjà, les téléphones multifonctions récoltent des montagnes de données sur les lieux visités par leur propriétaire, voire les gens qu’il rencontre.
Prochainement, des informations seront récoltées directement depuis notre corps. Nike vient ainsi de présenter un bracelet qui mesure l’activité physique puis l’archive sur les serveurs de l’entreprise pour prodiguer des conseils d’entraînement personalisés.
La société Emotiv Lifesciences a de son côté présenté à Munich un casque qui mesure l’activité cérébrale et pourra ainsi recueillir des données sur nos pensées.
Même les entreprises sans lien avec internet s’intéressent à nos données personnelles. En récolter “permettrait de fournir un service plus individualisé”, affirme ainsi Christoph Franz, le patron de la compagnie aérienne allemande Lufthansa.
Dans les années qui viennent, les entreprises chercheront à mettre davantage en commun nos données personnelles pour nous cerner et cibler leurs publicités notamment, note Heidi Messer, patronne de Collective[i], spécialisé dans le traitement des données personnelles.
“Nous devons abandonner l’idée selon laquelle nos données sont notre propriété”, et permettre ainsi la création de services plus personnalisés, plaide-t-elle.
Mais cette collecte massive de données inquiète aussi.
La Commissaire européenne chargée de la Justice et des Droits fondamentaux, Viviane Reding, doit présenter dans les jours à venir des propositions pour harmoniser la protection des données personnelles dans l’UE.
Les gens “sont choqués quand ils comprennent ce qui se passe avec leurs données”, déclare à l’AFP Mme Reding, qui veut que les internautes sachent clairement ce qu’ils transmettent, et pourquoi.
Elle réclame aussi un “droit à l’oubli” -que les internautes puissent effacer certaines traces- et des efforts des entreprises pour sécuriser le stockage des données, après plusieurs scandales dont le piratage de serveurs de Sony renfermant les données des millions de joueurs de PlayStation.
Pour M. Keen, le combat des autorités est toutefois perdu d’avance. Il estime qu’en 2020, quinze milliards d’objets communicants échangeront des informations sur nous. “Mark (Zuckerberg) et Sheryl (Sandberg, les dirigeants de Facebook, ndlr) mènent la danse (et) les autorités en Europe et aux Etats-Unis sont en retard sur la Silicon Valley”, juge-t-il.
“Nous allons de notre plein gré sur ces réseaux, personne ne nous a obligés à nous dévoiler (…) et le plus grand danger, c’est nous même, les +Little Brothers+ qui formons ensemble le +Big Brother+ du XXIème siècle”, selon lui.