Sur le marché obligataire, le Portugal prend le même chemin que la Grèce

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à la Bourse de Lisbonne, le 2 novembre 2011 (Photo : Patricia de Melo Moreira)

[26/01/2012 15:10:20] PARIS (AFP) Désormais considéré comme “spéculatif” par les agences de notation, le Portugal voit ses taux obligataires s’envoler à des niveaux historiques et inquiète à nouveau les investisseurs, qui craignent que le pays suive le même chemin que la Grèce et fasse défaut sur sa dette.

Si la plupart des pays fragiles de la zone euro ont resserré l’écart avec l’Allemagne sur le marché obligataire depuis le début de l’année, le Portugal a en revanche continué de subir la défiance des investisseurs.

“Les marchés considèrent que les négociations en Grèce patinent et se concentrent sur le prochain maillon faible”, explique Patrick Jacq, stratégiste obligataire chez BNP Paribas.

Le rendement des obligations à 10 ans du pays se situait jeudi à près de 14%, au plus haut de puis la création de la zone euro. C’est le niveau qui était celui de la Grèce en juillet 2011.

Les rendements exigés par les investisseurs grimpent malgré le programme de rachat de titres de dette mis en place par la Banque centrale européenne (BCE).

De leur côté, les CDS (“Credit Default Swap”), des contrats de couverture contre le risque de défaut du pays, se sont envolés à des niveaux jamais connus pour le pays à un peu moins de 1.400 points de base.

Cela signifie qu’il faut débourser 1,4 million de dollars par an pour assurer 10 millions de dollars de dette d’Etat portugais à 5 ans.

“Le Portugal est vraiment sur le fil du rasoir”, explique Jesus Castillo, économiste chez Natixis.

Les marchés doutent beaucoup de la remise sur pied du pays et de la capacité à honorer ses dettes à terme, quand bien même il bénéfice d’une aide internationale, tout comme l’Irlande et le Portugal.

En échange d’un prêt international de 78 milliards d’euros, Lisbonne s’est engagé à mettre en oeuvre sur trois ans un exigeant programme de rigueur budgétaire et de réformes lui permettant de renouer avec la croissance.

Or, M. Castillo rappelle que les mesures déjà mises en place ont fait plongé le pays dans une récession plus forte que prévu.

Selon les prévisions du gouvernement et de ces instances internationales, le produit intérieur brut reculera de 3% en 2012.

“Il y a un risque de spirale de récession à la grecque”, avance M. Castillo. Mais l’analyste relève que Lisbonne bénéficie de quelques atouts dont est dépourvu Athènes.

Selon lui, l’administration portugaise est plus à même de collecter l’impôt et le pays enregistre un rebond de ses exportations.

Cela n’a pas empêché les trois principales agences de notation de mettre en avant les difficultés qu’aura le pays à se relever, en reléguant sa note en catégorise “spéculative”.

La hausse des taux n’a pour l’instant pas de conséquence directe sur son budget, puisque le plan d’aide lui permet de se passer des marchés pour son financement moyen et long terme en 2012, pour un retour prévu en 2013.

Les investisseurs se demandent surtout comment tenir l’échéance de 2013 surtout si les taux à 10 ans sont encore au-delà de 10% et craignent qu’une nouvelle aide internationale soit nécessaire.

Natixis ne voit pas un retour sur le marché avant 2014, pour des emprunts estimés de 10 milliards d’euros.

En outre, les marchés se demandent s’il y aurait pas un risque que les créanciers du Portugal puissent être mis à contribution pour redresser les finances du pays, comme cela se passe en Grèce, indique Christian Parisot, économiste chez le courtier Aurel BGC.

“On en est très loin”, note-t-il toutefois.

Les dirigeants européens ont martelé que la Grèce serait le seul cas de ce type.

Pour plusieurs analystes, il ne faut toutefois pas encore dramatiser la hausse des taux d’intérêt observée sur le marché, puisque très peu d’acteurs achètent ou vendent de la dette portugaise, si ce n’est quelques spéculateurs.