Quand les annonceurs investissent en budgets publicitaires, ils marquent un acte de confiance dans l’avenir. Et dans le système. Le propos est de Hassen Zargouni, à l’ouverture de la XIème édition de l’open annuel de l’agence SIGMA, dont il est DG.
Le conférencier défend son bout de gras. Après tout, le business a ses exigences. Mais les faits abondent en ce sens. En 2011, et c’est un sentiment général, la confiance a fait défaut. Les transferts des Tunisiens Résidents à l’Etranger (TRE) ont baissé de 13%, les investissements nationaux ont régressé de 21% et les IDE de 3,5%. Donc, autant les agents nationaux qu’internationaux ont levé le pied de l’accélérateur. Et, dans ce sillage, on observe que le chiffre d’affaires de la Com’ a baissé de 22%. Qu’est-ce que vous dites de ça? Et n’allez pas croire qu’un publicitaire ne vend que du vent. Il sait aussi monnayer l’anticipation, tel un bon diseur de bonne fortune.
Hassen Zargouni sait faire bon usage de la ruse et pousser à la consommation. Il rappelle que la Pub’, outre qu’elle aide une sphère professionnelle avec 100 agences de Com’ et 5.000 emplois, l’air de rien, permet à la presse d’avoir la tête hors de l’eau. La Com’ revêt un habit de devoir civil, celui du gage de la liberté de la presse.
La part de vérité, la part de conseil…
Pourquoi la Pub’ a baissé? Le conférencier dégaine tous les chiffres qui expliquent le phénomène. Et c’est la part de vérité. La voici, et elle n’est pas bien jolie: un taux de croissance de -1,8 %. C’est tout bête mais c’est 2.500 milliards de richesses en moins. Un calcul arithmétique simple nous donne une idée sur l’ampleur des dégâts. Sur les 250 jours ouvrables de 2011, la Tunisie perdait, en moyenne, 10 milliards par jour. C’est également 600 grèves dont seulement 70 sont autorisées. Et cela fait 310.000 jours de travail perdus pour la collectivité nationale.
Les entrées de touristes ont baissé de 32% et nos réserves de change sont presque à leur étiage. Et Hassen Zargouni de livrer la part de conseil, avec circonspection. Cela vaut autant pour les pouvoirs publics que pour les opérateurs. La situation plaide pour un leadership politique. Les attentes sont grandes en faveur de l’irruption d’un commandement capable d’infléchir le cours des choses. Ramener la discipline, c’est de cela que la communauté d’affaires autant que le monde du travail ont besoin.
Le retour à la discipline cela ne veut pas dire l’arrêt du dialogue social. Bien au contraire, c’est l’accentuation du dialogue. Mais via la concertation.
La part de métier
Hassen Zargouni s’appuie sur des hypothèses qu’il considère crédibles. Il exhibe ses sondages du mois d’août 2011 pour les comparer avec les résultats du scrutin du 23 octobre. Il est vrai que SIGMA n’a pas basculé vers le e-sondage, car l’investissement technologique est au-dessus des moyens de la place et des exigences des annonceurs. Mais le fondateur de SIGMA Conseil estime que son mode d’investigation est solidement charpenté. Il s’en est expliqué à plusieurs reprises dans nos colonnes. L’investigation par téléphone, avec des interviews par milliers, à chaud et en direct avec des milliers de citoyens, lui procure des éléments d’information fiables et qui valident ses hypothèses de travail, notamment pour le classement des média. Mais sur ce dernier point, justement, la question de fiabilité est posée.
Son réseau de panels, par son nombre et de par son implantation territoriale, lui permet de mesurer l’audimat, avec fiabilité, c’est-à-dire avec la plus faible marge d’incertitude. Il sait écouter l’opinion, avec les grandes oreilles de SIGMA. Il considère que cela donne du crédit, également, à ses recommandations d’affaires. Il insiste pour dire que le sondage téléphonique accompagné d’interviews systématiques, c’est du «one to one» et cela est un biais qui permet une profonde exploration des avis des citoyens. Et à ce titre, il est permis de disposer d’une image fidèle de l’audimat. Et la part de métier de l’agence est d’y ajouter une touche de professionnalisme.
Hassen Zargouni s’est servi d’un cas extrême pour dire que le marquage des citoyens par le contact téléphonique permet d’affiner l’exploration. Un match choc Real Madrid/Barça, on le suit au café du quartier, pas à domicile. Le sondage téléphonique restitue cette réalité mais pas l’e-audimétrie. C’est indiscutablement un bon point. Mais un avantage ponctuel, de circonstance ne signifie pas avantage net. Mais c’est tout à son honneur d’évoquer la question avec fair play.
«Qui ne se mesure pas n’existe pas», le dealing malin
Il faut communiquer, conseille Hassen Zargouni. Il est de bonne guerre de garantir du business pour demain. Mais ce n’est pas qu’une consigne intéressée. Le conférencier ajoute: «ce qui ne se mesure pas, n’existe pas».
Il est vrai que les marques ont besoin de visibilité sur la place. Cette consigne a été suivie en 2011 par certains partis politiques qui pensaient en tirer un supplément de notoriété. Et il répète cette consigne pour rappeler aux opérateurs leur devoir de s’engager. Autant la situation est traversée par des convulsions, autant l’économie fait preuve, une fois encore, de résilience. L’inflation n’est qu’à 3,5% en 2011 et le dinar tient le rang face aux principales devises, à savoir l’euro et le dollar.
Donc pas d’inflation, pas de crise du change, le système est encore sain. En dépit des contrariétés, il faut investir. Il faut apporter et au plus vite une parade efficace au chômage et à la précarité, les deux maux qui minent de l’intérieur la société tunisienne. Le conférencier évoque le taux de chômage actuel qui est à 19% pour rappeler que la barre sismique se situe à 25% et d’évoquer les précédents des pays d’Amérique Latine qui n’ont pas su traiter la plaie du chômage. Il faut y aller.
De même que le rappelait Hassen Zargouni, les esprits sont trop marqués par le foot, qui nous a servi d’exutoire pendant notre traversée du désert des libertés au point que les slogans des partis politiques sont déclamés sur des airs de stade lors des meetings.
Alors sans hésitation, allez, allez, allez, investissez dans la démocratie!