L’un, Radhouane Masmoudi, directeur du le centre d’étude sur l’Islam et la démocratie (CSID, think tank tuniso-américain lancé par ce dernier), est Tunisien –naturalisé américain, d’après lui, forcé pour pouvoir disposer d’un passeport, après avoir été privé de celui de son pays d’origine-, et le second, William Zartman, Américain, est l’un des meilleurs spécialistes du Maghreb dans son pays. Tous les deux ont jeté, vendredi 27 janvier 2012 –lors d’une conférence-débat organisé par le Club de presse Averroès et le CSID- un regard critique sur la Tunisie révolutionnaire, un an après la chute du régime Ben Ali. Avec pour résultat un tableau contrasté, avec des raisons d’être optimiste et d’autres sinon, pour s’inquiéter, du moins de se poser des questions.
Pour William Zartman, la Tunisie a connu beaucoup de changements et, en quelque sorte, deux temps en une année.
Le premier est celui du bouleversement, de la chute de l’ancien régime. Le second est le temps de l’établissement d’un nouvel ordre –ce qui prend beaucoup de temps. Et outre des séquelles de l’avant révolution «dont il faut s’occuper», le chercheur américain constate les «débordements» enregistrés à propos desquels il appelle à ce qu’ils ne deviennent pas «le fond du changement» que connaît le pays.
D’après professeur Zartman, «le gouvernement doit faire en sorte que les débordements ne prennent pas une grande part dans la suite des événements». Mais ce qui, d’un point de vue américain, est jugé encore plus inquiétant, c’est la forte demande d’une grande partie de la population de voir améliorées ses conditions économiques. Car il n’est pas sûr que les couches les plus défavorisées de la population sont «pressées» de percevoir un changement dans ce domaine, alors que la révolution –«ce qui est naturel», d’après M. Zartman- a aggravé la situation économique. Ce qui fait craindre à l’expert américain «une réponse encore plus radicale» au cas où le gouvernement ne pourrait pas satisfaire ces demandes.
Admettant que la Tunisie ne pourrait pas sortir de cette situation par ses seuls moyens, William Zartman appelle les Tunisiens à ne pas se bercer d’illusions et à ne pas escompter bénéficier d’une sorte de Plan Marshall. «En raison de la situation actuelle du budget américain, ce n’est pas réaliste. On ferait mieux de faire appel à l’argent privé et, pour cela, de mettre en valeur les atouts de la Tunisie», recommande l’universitaire américain. Un point de vue que ne partage pas Radhouane Masmoudi.
En effet, le directeur du CSID estime que, pour la Tunisie, le plus grand défi est de nature économique –il rappelle à ce sujet qu’on compte «deux cent-cinquante mille familles vivant avec 350 dinars par an- et est convaincu que ni les investissements –difficiles à attirer dans les conditions actuelles- ni les prêts ne peuvent aider la Tunisie à faire face à la situation dans laquelle elle se trouve». Pour cela donc, «la Tunisie a besoin d’un Plan Marshall», affirme le directeur du CSID. Qui est convaincu que réunir les cinq milliards de dollars par an, à raison de 400 à 500 millions par pays développé donateur ne devrait pas poser de problème».